Masquer la pollution des eaux brutes ? C’est l’accusation portée contre Nestlé et sa filiale Waters. La justice avance, les preuves s’accumulent. Et la marque Perrier se retrouve au cœur de la tempête.
Scandale des eaux contaminées : perquisition au siège de Nestlé en France

Ce qui n’était, il y a un an, qu’une alerte d’ONG est devenu une enquête judiciaire tentaculaire. Ce jeudi matin, une étape décisive a été franchie : les enquêteurs sont entrés dans les bureaux français du géant de l’agroalimentaire.
Des eaux traitées illégalement pour masquer leur contamination ?
Ce jeudi 10 juillet, des enquêteurs de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), accompagnés de membres de l’OCLAESP (Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique), ont procédé à une perquisition du siège français de Nestlé, à Issy-les-Moulineaux, dans les Hauts-de-Seine.
Selon la DGCCRF, cette intervention a eu lieu dans le cadre de l’information judiciaire ouverte en février 2025 par le pôle de santé publique du tribunal judiciaire de Paris. L’enquête fait suite à la plainte déposée par l’association Foodwatch, avec constitution de partie civile, visant directement Nestlé et Nestlé Waters. Objectif de cette perquisition : récupérer et exploiter les données internes susceptibles d'établir la réalité des pratiques de traitement des eaux commercialisées.
L’enquête vise des soupçons graves : selon plusieurs éléments transmis par la cellule investigation de Radio France, Nestlé Waters aurait utilisé des procédés interdits (microfiltres, rayons UV, charbon actif) pour “nettoyer” des eaux brutes contenant pesticides et bactéries. Des traitements qui contreviennent directement à la législation encadrant les eaux minérales naturelles, lesquelles doivent être “pures à la source”, sans aucune désinfection chimique ou altération.
Pire encore : des puits pollués sont toujours exploités, en particulier sur le site historique de Vergèze (Gard), où est embouteillée la marque Perrier. Un rapport d’hydrogéologues agréés par le ministère de la Santé, consulté par Radio France, confirme la contamination de tous les puits actuellement en service sur ce site. Nestlé a admis avoir remplacé son ancien système de filtration illégale (0,2 micron) par un nouveau dispositif (0,45 micron), sans que cela ne règle le fond du problème.
Affaire Nestlé : Foodwatch en première ligne, l’UFC en soutien
C’est l’organisation Foodwatch qui a ouvert la brèche, dès janvier 2024, en révélant avec Le Monde les premiers éléments de fraude. Depuis, la machine judiciaire s’est enclenchée. Début juin 2025, l’UFC-Que Choisir a porté plainte à son tour, évoquant « l’immobilisme persistant des pouvoirs publics ». L’association réclame notamment l’interdiction immédiate de la commercialisation des bouteilles Perrier, un retrait massif du marché et des rappels produits. Une audience en référé devait se tenir cette semaine devant le tribunal judiciaire de Nanterre, mais elle a été repoussée à fin septembre 2025.
Les répercussions dépassent le strict cadre judiciaire. Selon les chiffres du Syndicat des eaux de source et des eaux minérales naturelles (SESEMN), les ventes de Perrier ont chuté de 14 % depuis janvier 2025, par rapport à la même période l’an dernier. Le ministère de la Santé a déjà ordonné une inspection de toutes les usines de conditionnement d’eau d’ici à fin 2026. À la clé : possible interdiction d’usage de la mention “eau minérale naturelle”, voire fermeture de sites, dont celui de Vergèze.