À l’occasion de la Journée internationale des enfants disparus, le 25 mai, la fondation Droit d’Enfance a dévoilé son rapport annuel via le numéro d’urgence « 116 000 Enfants Disparus ». Ce document, désormais incontournable, dresse un état des lieux saisissant des disparitions de mineurs en France. Si le volume des signalements baisse pour la troisième année consécutive, les professionnels s’alarment d’une évolution plus insidieuse et perverse, la gravité des situations se renforce, les profils changent, les risques s’intensifient.
Disparitions d’enfants : l’équivalent de quatre classes vides chaque jour

Derrière les chiffres, une crise persistante des disparitions d’enfants
Cent-cinq. C’est le nombre moyen d’enfants portés disparus chaque jour en 2024, selon le rapport du 116 000. Un total de 38 477 signalements recensés par les forces de l’ordre, en baisse de 6,1 % par rapport à 2023. Sous les apparences d’un progrès, un doute subsiste. Cette baisse pourrait-elle refléter un renoncement à alerter ?
Le rapport met en garde : « les parents ou les personnes en charge des mineurs n’effectuent pas systématiquement le signalement auprès des policiers et gendarmes en cas de fugues ». Surtout, cette diminution apparente masque une réalité plus sombre. Le 116 000 le souligne sans détour : « la complexité, la durée et la gravité des disparitions tendent à s’intensifier ». Plus de dossiers restent ouverts sur la durée, les cas deviennent plus graves, plus risqués. Ce n’est plus seulement une question de chiffres, mais d’enjeux humains et sociaux.
Des fugues massives, et de plus en plus précoces
La très grande majorité des cas, 95 %, concerne des fugues. En 2024, 36 439 fugues ont été enregistrées. Une baisse par rapport aux années précédentes, mais là encore trompeuse. L’âge moyen reste à 15 ans, mais la proportion des enfants plus jeunes continue de croître. En 2024, près de 40 % des fugueurs avaient moins de 15 ans, un chiffre en progression.
Cette jeunesse des fugueurs n’est pas anodine. Le rapport, relayé par Le Figaro, indique que « l’exploitation sexuelle des jeunes filles est suspectée voire avérée dans plus de 30 % des dossiers de fugue ouverts par le 116 000 Enfants Disparus ». Derrière chaque dossier se cache potentiellement une histoire d’abus, de détresse, voire de traite. La fugue devient trop souvent la première étape vers des formes d’exploitation particulièrement brutales.
ASE, disparitions inquiétantes, enlèvements : les angles morts d’un système à bout de souffle
Un autre signal d’alerte provient des mineurs confiés à l’ASE (Aide sociale à l’enfance). En 2024, 18 % des dossiers ouverts par le 116 000 concernaient ces jeunes. Le rapport souligne que « le signalement prend parfois plusieurs jours à être réalisé, en raison notamment du manque de personnel disponible pour se rendre en commissariat ou gendarmerie ». Dans ces cas, le temps perdu est parfois irrattrapable.
Parallèlement, les disparitions dites « inquiétantes » progressent à un rythme constant, environ +9 % par an depuis 2022. Elles représentaient 1 373 signalements en 2024. Là encore, la jeunesse des victimes interpelle : près de 48,5 % des enfants concernés ont moins de 15 ans. Quant aux enlèvements parentaux, leur nombre s’est stabilisé en 2024 après une forte hausse en 2023 (+21,5 %), atteignant 665 cas. Ils représentent un dossier sur trois ouvert par un parent via le 116 000. Près de la moitié des enfants concernés, 49 % ont moins de 5 ans.
Le 116 000 : une vigie indispensable, mais débordée
Gratuit, accessible 24 heures sur 24, le 116 000 est devenu en quelques années un acteur incontournable. En 2024, il a reçu 41 564 appels, soit une hausse de 9,8 % par rapport à 2023. Plus de 1 300 dossiers ont été ouverts, dont 435 pour des fugues, 428 pour des enlèvements parentaux, et 68 pour des disparitions inquiétantes.
Le 31 décembre 2024, 440 dossiers restaient actifs. Derrière ces chiffres, une équipe qui fait face à une pression croissante. À mesure que la société fragilise ses filets de protection, le 116 000 devient le dernier recours, souvent dans l’urgence, trop souvent trop tard.