Désinformation sur X : les Community Notes ne sont quasi-jamais publiées

Le système de « notes de contexte » déployé par la plateforme X (anciennement Twitter) pour modérer les publications controversées et corriger les erreurs factuelles fait l’objet d’une remise en question majeure. Une étude approfondie publiée en juillet 2025 par le Digital Democracy Institute of the Americas (DDIA) révèle que plus de 90 % des notes rédigées par les utilisateurs ne sont jamais rendues publiques.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 11 juillet 2025 8h30
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x, désinformation, tromperie, utilisateur, réseau social, elon musk - © Economie Matin
90%Plus de 90 % des notes rédigées par les utilisateurs ne sont jamais rendues publiques.

Community Notes de X : qu'est-ce que c'est ?

Le programme « Community Notes » permet à des utilisateurs volontaires de soumettre des ajouts contextuels à des publications jugées trompeuses, inexactes ou sujettes à controverse. Une fois rédigée, chaque note entre dans une phase d’évaluation communautaire. Pour qu’elle soit visible sous la publication d’origine, elle doit réunir un nombre suffisant de votes positifs exprimant un consensus jugé « inter-idéologique » par le système de validation.

En théorie, ce modèle ambitionne de proposer une alternative neutre et horizontale au fact-checking institutionnel ou journalistique. Il repose sur une logique de transparence et d’ouverture, accessible à tous les utilisateurs habilités. Sauf que dans les faits, et en grande partie à cause de la plateforme X (ex-Twitter) elle-même, les notes ne sont quasiment jamais publiées. Et quand elles le sont, c’est déjà trop tard.

Moins d'une note sur dix est publieé : la lutte contre la désinformation sur X est au point mort

En analysant plus de 1,76 million de notes rédigées entre janvier 2021 et mars 2025, l’étude du DDIA conclut que seules 7,1 % des contributions en anglais et 4,7 % de celles en espagnol ont effectivement été publiées. Ce ratio déjà faible est en régression : le taux de publication des notes rédigées en anglais est passé de 9,5 % en 2023 à 4,9 % début 2025.

La principale cause de cette invisibilité réside dans l’incapacité du système à produire un consensus suffisant autour des notes soumises. Un nombre important d’entre elles n’est jamais soumis au vote. L’étude évoque ainsi « un goulot d’étranglement » provoqué par l’afflux de contributions, qui provoque une accumulation de notes sans évaluation ni publication. Ce phénomène se traduit par une forme de saturation structurelle : au premier trimestre 2025, 17 % des notes rédigées en anglais et 15 % en espagnol étaient restées sans le moindre vote, selon le DDIA.

Les bots polluent les Community Notes

Le rapport met en évidence un déséquilibre dans la performance du système selon les langues. Tandis que les notes en espagnol connaissent une amélioration relative de leur taux de publication (+3,5 points entre 2023 et 2025), celles en anglais connaissent un net repli. Le DDIA pointe également une absence de transparence sur la représentativité idéologique ou géographique des votants, ce qui rend difficile l’évaluation de l’équité réelle du consensus exigé.

Autre limite identifiée : la surreprésentation d’agents automatisés. Le contributeur le plus actif en anglais au cours de la période étudiée est un bot conçu pour signaler les arnaques financières. Ce seul compte a produit plus de 43 000 notes, dont seulement 3,1 % ont été publiées.

14 jours pour rétablir la vérité : c’est mieux, mais ça reste insuffisant

L’étude souligne un progrès significatif sur le plan logistique : le temps moyen de publication d’une note est passé de plus de 100 jours en 2022 à environ 14 jours en 2025.  Le DDIA ne conteste pas l’intérêt théorique du système. Il rappelle qu’une étude universitaire antérieure avait montré que les notes publiées réduisent de 62 % la viralité des contenus jugés trompeurs. Mais ce bénéfice est limité aux cas où les notes parviennent à être vues.

Dans les faits, une large majorité des contributions échoue à franchir le seuil de visibilité, ce qui empêche le mécanisme de remplir pleinement sa fonction. Face à ces constats, le DDIA recommande plusieurs mesures correctrices. Il appelle à une transparence renforcée sur le processus de validation, à un encadrement des contributions automatisées, à une priorisation des notes bloquées sans vote, et à une diversification linguistique et idéologique plus équilibrée. L’institut suggère également de considérer une hybridation du modèle : intégrer une supervision humaine dans les cas urgents ou non consensuels.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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