Démarchage : vers la fin des appels intempestifs, mais pas du harcèlement ?

Les téléphones cessent rarement de sonner, les promesses commerciales continuent de pleuvoir : le démarchage téléphonique continue de pourrir la vie des Français. Pourtant, une loi a été votée. Qu’est-ce qui va vraiment changer dans le démarchage ? À partir de quand ? Et pour qui ? Entre interdictions et dérogations, la France tente de reprendre la main.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 7 juillet 2025 5h46
démarchage téléphonique, Téléphonie : le nom du pire opérateur de France de 2024 ne va pas vous surprendre
Démarchage : vers la fin des appels intempestifs, mais pas du harcèlement ? - © Economie Matin
92%démar92 % des sondés trouvent ces appels agaçants

Depuis le 1ᵉʳ juillet 2025, le démarchage téléphonique connaît un tournant décisif en France. La nouvelle loi adoptée le 30 juin bouleverse en profondeur les règles encadrant cette pratique commerciale controversée. Une autre étape décisive est déjà prévue pour août 2026, avec un basculement vers un régime fondé sur le consentement explicite. Le démarchage va-t-il pour autant réellement disparaître des lignes téléphoniques françaises ? Malheureusement non.

Démarchage téléphonique : premier tour de vis le 1er juillet 2025

L'entrée en vigueur de la loi n° 2025‑594, promulguée le 1ᵉʳ juillet 2025, amorce une interdiction ferme et immédiate du démarchage dans plusieurs secteurs sensibles. Objectif : lutter contre les abus et protéger les publics vulnérables. Sont désormais proscrits tous les appels, SMS, mails ou sollicitations sur réseaux sociaux visant à proposer des travaux de rénovation énergétique ou d’adaptation de logement au handicap ou au vieillissement.

Cette interdiction vise précisément les marchés les plus sujets aux fraudes, comme l’isolation thermique à un euro ou les prétendus diagnostics énergétiques gratuits. En cas d’infraction, les sanctions sont lourdes : jusqu’à deux ans de prison et 300 000 euros d’amende, notamment en cas de harcèlement ou de manipulation ciblant des personnes âgées ou fragiles, comme le précise le portail officiel Service-public.fr.

Autre avancée : l’encadrement renforcé des jours et horaires d’appels. Désormais, les appels commerciaux sont strictement limités au lundi au vendredi, entre 10h et 13h puis 14h à 20h, avec un plafond fixé à quatre appels par abonné sur 30 jours glissants. Les week-ends, jours fériés ou appels récurrents sans réponse sont donc désormais illégaux.

Le consentement explicite : l’arme ultime contre le démarchage qui arrivera en 2026

La deuxième phase, programmée pour le 11 août 2026, bouleversera le fondement même du démarchage téléphonique. Jusque-là basé sur une logique « opt-out » (l’utilisateur devait s’inscrire sur Bloctel pour refuser les appels), le système passera à une logique « opt-in » : le consentement explicite préalable deviendra obligatoire pour tout démarchage.

Fini donc les appels non sollicités sous prétexte d’une offre « générique » : chaque démarche devra reposer sur un accord vérifiable, documenté et, surtout, révocable à tout moment. Le texte officiel impose que ce consentement soit « libre, spécifique, éclairé, univoque et réversible », relaye notamment l'UFC Que Choisir. Les professionnels devront prouver l’existence de cet accord en cas de contrôle.

Certaines exceptions demeurent : un appel reste possible si un contrat est en cours entre l’entreprise et le particulier, ou pour des produits directement liés à un service déjà souscrit. Ainsi, un fournisseur d’énergie pourra proposer une extension de service, mais pas une offre sur un produit tiers.

Le fichier Bloctel, décrié pour son inefficacité, sera donc progressivement abandonné au profit de ce nouveau modèle, plus protecteur mais aussi plus exigeant pour les entreprises.

Consentement, preuve et sanctions : les professionnels dans le viseur

Avec cette réforme, l’État impose une nouvelle charge de responsabilité juridique aux opérateurs commerciaux. En plus du respect des plages horaires et de la fréquence des appels, les sociétés devront pouvoir justifier, en cas de litige, que le consommateur a bien donné son autorisation pour être contacté.

Les contrôles seront renforcés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Les amendes administratives pourront atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros, et des peines pénales sont prévues en cas de manquement grave ou répété.

Le ministère de l’Économie précise également que des décrets d’application sont attendus avant la fin de l’année 2025 pour détailler les modalités d’exécution, notamment sur la preuve du consentement, la durée de validité de l’autorisation, et les modalités de rétractation.

Le démarchage disparaîtra-t-il vraiment en France ?

La nouvelle législation constitue une rupture claire avec la permissivité ancienne. Mais pour autant, elle ne signe pas la mort du démarchage téléphonique. Certaines brèches subsistent, notamment autour du flou sur les appels dits « de fidélisation », ou sur les pratiques d’entreprises qui externalisent leur prospection à des centres d’appel étrangers.

Par ailleurs, la loi s’applique exclusivement aux appels émis depuis des plateformes immatriculées en France. Une faille que certaines sociétés n’hésiteront sans doute pas à exploiter, tant que les moyens de traçabilité ne seront pas homogènes à l’échelle européenne. Bref, malheureusement, les appels téléphoniques indésirables vont continuer et l’État français ne peut pas y faire grand-chose.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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