Le déficit commercial des États-Unis atteint un record en mars

Le département du Commerce américain a publié, ce 6 mai, la balance commerciale des États-Unis. Celle-ci s’est enfoncée dans le rouge avec un déficit de 140,5 milliards de dollars pour le seul mois de mars. Ce bond de 14 % par rapport à février ne doit rien au hasard. Il est le fruit d’un cocktail redoutable mêlant précipitation des importateurs, retour en force des droits de douane et stratégie économique musclée voulue par Donald Trump, désormais en pleine reconquête de son électorat industriel.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 9 mai 2025 12h00
Le déficit commercial des États-Unis atteint un record en mars
Le déficit commercial des États-Unis atteint un record en mars - © Economie Matin
140,5 milliards $Sous l'effet d'une vague d'importations anticipant de nouveaux droits de douane, le déficit commercial américain a bondi de 14 % en un mois, atteignant 140,5 milliards de dollars.

Un déficit commercial au plus haut : une alerte macroéconomique

À 140,5 milliards de dollars, soit environ 129,8 milliards d’euros, le déficit commercial américain n’a jamais été aussi large sur une période mensuelle. Il dépasse même les projections des analystes, qui tablaient sur 137 milliards de dollars selon le consensus MarketWatch, apprend-on du Figaro.

Dans les faits, ce sont les importations qui explosent, culminant à 419 milliards de dollars. Les exportations, elles, stagnent. Face à une vague imminente de nouvelles taxes annoncées par Washington, les entreprises se sont ruées pour importer avant l’échéance. Résultat : un déséquilibre abyssal et un stock d’entrepôts plein à craquer. Ce phénomène de suranticipation tarifaire n’est pas inédit, mais son ampleur surprend.

Donald Trump : le protectionniste face au paradoxe des chiffres

L'ironie n’échappe à personne. Le président Donald Trump, qui depuis 2016 martèle que le déficit commercial est « le cancer de l’économie américaine », voit celui-ci battre des records sous son mandat. Pire encore : les outils qu’il mobilise pour l’endiguer semblent l’amplifier à court terme. Le 2 avril, le locataire de la Maison-Blanche annonçait une salve de « droits de douane réciproques » contre les importations, avec une rhétorique martiale : protéger l’ouvrier américain contre les excès du libre-échange.

Pourtant, cette stratégie produit un effet contre-intuitif. Les entreprises, redoutant des prix plus élevés demain, achètent davantage aujourd’hui. Et gonflent le déficit. Dans ses discours, Donald Trump reste inflexible. Il répète que « revitaliser l’industrie nationale » exige de « secouer un système mondialisé truqué ». Mais les faits racontent une autre histoire, même les secteurs protégés par des barrières tarifaires voient leurs importations croître, faute d’alternatives locales crédibles.

Conséquences immédiates : la croissance s’essouffle

La surchauffe du commerce extérieur n’est pas sans conséquences. Selon les données officielles, le produit intérieur brut (PIB) des États-Unis a reculé de 0,3 % au premier trimestre 2025, en rythme annualisé. Une contraction que le département du Commerce lie directement à cette vague d’importations de court terme, qui n’alimente ni l’investissement ni la consommation interne.

Ce recul intervient après un rebond de 2,4 % au trimestre précédent. Le contraste est saisissant. Il révèle la fragilité d’une croissance alimentée par des mesures ponctuelles, mais asséchée par des arbitrages douaniers précipités. Les économistes s’accordent à dire que la tendance pourrait s’aggraver si les droits de douane devaient être maintenus ou étendus, notamment contre la Chine.

Une logique économique à double tranchant

Derrière les chiffres, une réalité politique se dessine. Le déficit commercial devient un totem électoral plus qu’un indicateur économique. Donald Trump, en s’en servant comme levier symbolique, l’inscrit dans une logique de guerre économique permanente. Mais cette approche binaire, punir ou protéger, fait fi des interconnexions profondes qui unissent les chaînes de valeur mondiales. Le déficit commercial, loin de se résorber, s’enkyste, rendant toute amélioration structurelle plus difficile à obtenir à long terme.

Les économistes soulignent que cette stratégie, focalisée sur les flux visibles d’importations et d’exportations, ignore les effets indirects des barrières tarifaires. En imposant des droits de douane élevés, les États-Unis augmentent les coûts pour leurs propres industries, notamment celles dépendantes de composants étrangers. Cela nuit à la compétitivité à l’exportation, ce qui creuse paradoxalement le déficit. De plus, les partenaires commerciaux touchés répliquent souvent par des mesures similaires, exacerbant les tensions commerciales sans rééquilibrer les échanges. Le protectionnisme généralisé agit alors comme un catalyseur de désordre plutôt que comme un levier de redressement.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

No comment on «Le déficit commercial des États-Unis atteint un record en mars»

Leave a comment

* Required fields