Budget des ménages : l’aide à domicile privée de crédit d’impôt ?

Un à un, les avantages fiscaux qui semblaient indéboulonnables commencent à vaciller. Le plus populaire d’entre eux, le crédit d’impôt pour l’aide à domicile, n’échappe plus aux arbitrages budgétaires. Derrière le vernis des chiffres, les coupes annoncées pourraient bien bouleverser l’équilibre budgétaire de millions de foyers.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 12 juin 2025 7h15
Services à domicile : plus de 70% des prestataires présentent des « anomalies »
Budget des ménages : l’aide à domicile privée de crédit d’impôt ? - © Economie Matin
27%27% de la dépense liée au crédit d'impôt pour l'aide à domicile concerne 2 services seulement.

Le mardi 10 juin 2025, lors d’un passage remarqué sur RTL, Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, a confirmé que le gouvernement envisage sérieusement de réduire le crédit d’impôt accordé pour l’emploi à domicile. Un séisme fiscal pour un dispositif qui concerne plus de 4 millions de foyers et pèse près de 7 milliards d’euros par an sur les finances publiques. Si certaines prestations seront préservées, l’ensemble du périmètre est désormais ouvert à des coupes. En ligne de mire : une économie de 40 milliards d’euros à inscrire au budget 2026.

Aide à domicile : la cible numéro un des économies du gouvernement

Le crédit d’impôt pour l’aide à domicile, pilier des politiques d’incitation à l’emploi déclaré, est devenu une variable d’ajustement budgétaire. Ce dispositif, qui permet de déduire 50 % des dépenses engagées pour l’emploi de salariés à domicile, est aujourd’hui dans le viseur de Bercy.

« Est-ce qu’au fond c’est le bon périmètre ? Est-ce que c’est un bon taux de remboursement ? », a interrogé Amélie de Montchalin sur RTL, en citant les 26 métiers concernés, du ménage à l’assistance informatique, en passant par le jardinage et les cours particuliers.

Selon les chiffres avancés par Le Frédit d'impôt

igaro, le crédit d’impôt atteindra 6,9 milliards d’euros en 2025. Des dépenses « sans plafond limitatif », dénonce la députée socialiste Christine Pirès Beaune, qui s’alarme : « On vit au-dessus de nos moyens avec ce crédit d’impôt. » À elle seule, la prestation de jardinage représenterait 800 millions d’euros annuels, un montant qui symbolise, selon elle, un privilège pour les plus aisés : « Deux milliards d’euros partent chez les Français les plus riches. »

Crédit d’impôt : qui sera épargné, qui paiera ?

Pour l’aide à domicile, l’exécutif opte pour un compromis : certains services seront épargnés, d'autres rabotés, parfois drastiquement.

La ministre a affirmé que la garde d’enfants et l’accompagnement des personnes âgées ne seraient pas affectés : « Je ne souhaite pas qu’on y touche », a-t-elle insisté. Ces deux postes pèsent pourtant plus de 2 milliards d’euros cumulés, soit 27 % de la dépense fiscale globale. Leur sanctuarisation apparaît autant comme un choix budgétaire que politique.

En revanche, le reste du dispositif est sur la sellette. Plusieurs options sont sur la table :

  • Une réduction du taux de 50 % à 40 %, 30 % ou 25 % selon les services.
  • Une dégressivité selon les revenus : 50 % maintenu pour les 4 premiers déciles, 40 % pour les déciles 5 à 7, 25 % pour les deux derniers.

L’idée, défendue par Christine Pirès Beaune selon Le Parisien, vise une justice sociale apparente, mais ne cache pas les conséquences concrètes. Car même si les services de ménage — qui concentrent la moitié des crédits distribués — ne sont pas encore ciblés, la porte n’est plus vraiment fermée.

Aide à domicile : entre fraude fiscale et menace sur l’emploi

Si les arbitrages techniques avancent, la réaction du secteur est déjà virulente. Julie L’Hotel-Delhoume, co-présidente de la Fédération des particuliers employeurs (FEPEM), rappelle que « les 5,6 milliards d’euros dépensés par l’État, c’est du brut ». Selon ses calculs, les recettes associées (cotisations sociales, économie de prestations chômage) limiteraient le coût net à 1,2 milliard d’euros.

Elle s’inquiète d’un retour massif au travail au noir, comme le montre une étude commandée au Crédoc : « 77 % des Français ne déclareraient plus leurs salariés sans ce crédit d’impôt. »

Même alerte du côté des entreprises de service à la personne. Pour Brice Alzon, président de la Fédération des entreprises du secteur (FESP) cité par Le Figaro, la coupe serait une absurdité économique : « Pour 1 euro dépensé, l’État récolte entre 1,50 et 1,80 euro », avance-t-il. Une assertion sèchement contredite par Bercy : « Le paiement de ces cotisations ne rapporte rien à l’État. Elles financent la Sécurité sociale, pas le budget général. » En creux, une conviction se dégage au sein du ministère : le retour sur investissement est surestimé, et le crédit d’impôt sur l’aide à domicile a dérivé de sa mission première.

Crédit d’impôt pour l’aide à domicile : une bombe à retardement ?

Si le gouvernement joue la carte de la prudence politique, la réalité est plus explosive : s’attaquer au crédit d’impôt sur l’aide à domicile, c’est toucher la classe moyenne. Celle-là même que le gouvernement prétend protéger. Mathieu Lefèvre, député Renaissance, résume : « Le remettre en cause, c’est une augmentation d’impôt sans contrepartie pour les classes moyennes. » Même tonalité chez Philippe Lottiaux, député Rassemblement national : « C’est une arnaque. Le gouvernement ne fait pas des économies, il augmente les impôts de manière déguisée. »

Alors que le projet de loi de finances 2026 s’écrit sous la pression de Bruxelles, du déficit et des agences de notation, le gouvernement avance à pas feutrés sur ce dossier hautement inflammable. Le crédit d’impôt pour l’aide à domicile n’a jamais été aussi menacé, même si sa réforme se pare du vernis de la rationalité économique. Les lignes sont claires : sauver ce qui “marche”, tailler dans ce qui “coûte”, quitte à bousculer des équilibres sociaux précaires et à relancer une économie parallèle que l’on croyait jugulée.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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