Dans les entrailles d’un projet titanesque, l’Italie et le Royaume-Uni scellent une alliance pour ensevelir l’un des pires fléaux climatiques modernes. Le décor : les profondeurs de la baie de Liverpool. Le protagoniste : Eni, mastodonte italien de l’énergie. L’enjeu : stocker jusqu’à 10 millions de tonnes de CO2 chaque année. Soit l’équivalent des émissions de 4 millions de voitures ! De quoi faire frémir les sceptiques… et rêver les partisans de l’industrie décarbonée.
Mer d’Irlande : un projet colossal pour enfouir le CO2

Le Royaume-Uni se lance dans une aventure industrielle aux allures futuristes. Un accord historique vient d’être signé pour piéger le CO2 au fond de la mer d’Irlande.
Sous la mer, des tonnes de CO2 emprisonnées
Le 24 avril 2025, le gouvernement britannique a officialisé un accord financier avec Eni, déclenchant le lancement opérationnel d’un chantier industriel colossal. La somme avancée par le géant italien ? Deux milliards de livres sterling, soit environ 2,3 milliards d’euros ! Un engagement salué par le Premier ministre Keir Starmer lors d’un sommet londonien sur l’énergie, où il a également annoncé la création de 2 000 emplois liés au projet.
Ce partenariat s’inscrit dans un plan plus vaste dévoilé en octobre 2024 : 25,7 milliards d’euros étalés sur 25 ans pour installer des pôles de captage et de stockage du carbone dans les friches industrielles du nord de l’Angleterre. L'objectif est de faire émerger une nouvelle industrie d’énergie propre et revitaliser les territoires minés par la désindustrialisation.
Concrètement, le projet consistera à capturer le CO2 émis par les usines du nord-ouest de l’Angleterre et du nord du Pays de Galles, pour l’acheminer via un réseau de conduites jusqu’à d’anciens réservoirs de gaz épuisés dans la baie de Liverpool. L’infrastructure s’appuiera sur les plateformes existantes en mer, complétée par 35 kilomètres de nouveaux tuyaux.
À son lancement, le site devrait permettre d’enfouir 4,5 millions de tonnes de CO2 par an. Cette capacité pourrait grimper à 10 millions après 2030, selon les projections d’Eni. De quoi faire figure de modèle européen dans un secteur encore balbutiant.
Une solution technique, pas une panacée
Le captage et stockage du carbone (CSC) repose sur un principe simple : empêcher les émissions de CO2 d’atteindre l’atmosphère en les enterrant profondément. Le GIEC soutient cette technologie, surtout pour les secteurs difficiles à décarboner comme la sidérurgie ou le ciment. Mais son efficacité à grande échelle reste à démontrer.
La capacité actuelle mondiale de CSC atteint péniblement 50,5 millions de tonnes de CO2 par an, soit à peine 0,1 % des émissions planétaires, selon l’Agence internationale de l’énergie. Une goutte d’émissions dans un océan de gaz à effet de serre.
Le ministre de l'Énergie, Ed Miliband, assure que le Royaume-Uni "lance une toute nouvelle industrie d'énergie propre", censée créer des "milliers d'emplois" et "revitaliser les communautés industrielles". Mais tous ne partagent pas cet optimisme.
Des ONG environnementales dénoncent un "pari à haut risque", accusant Londres de privilégier une technologie coûteuse au détriment des énergies renouvelables. Une critique reprise par une commission parlementaire en février 2025, pointant l’absence de "preuves à grande échelle". Même l’Agence internationale de l’énergie juge ces solutions encore trop expérimentales pour justifier un tel investissement.