Face à la multiplication des tensions dans le monde, l’armée française cherche à se moderniser pour rester compétitive. Deux députés viennent de rendre un rapport pour la renforcer. Mais la note s’annonce élevée : plus de 2,5 milliards d’euros par an.
Un rapport prône 30 mesures pour transformer l’armée française

30 mesures pour renforcer l’armée française
Le cœur du diagnostic posé par les rapporteurs est simple et sans détour : la France ne possède pas aujourd’hui les moyens matériels suffisants pour faire face à un conflit prolongé de haute intensité. Malgré des équipements à la pointe, les armées souffrent d’un sous-dimensionnement chronique. L’idée dominante du rapport ? Sortir de la logique des armements rares et sophistiqués pour basculer vers un modèle mixte intégrant davantage de matériels robustes, bon marché et disponibles en quantité.
Cette mutation doctrinale suppose des arbitrages. Le duo parlementaire l’assume. Plutôt que d’étaler les dépenses, il faut « concentrer les efforts là où ils produisent un effet opérationnel direct », selon Damien Girard dans Challenges. En clair : renforcer les forces terrestres, adapter l’aviation, revoir les ambitions navales. Et le tout sans explosion incontrôlée des dépenses publiques.
L’une des pierres angulaires de cette vision est la fin assumée de certains dispositifs jugés peu efficients. Ainsi, les députés proposent de supprimer purement et simplement le Service national universel (130 millions d’euros annuels), ainsi que l’opération Sentinelle, dont le coût annuel s’élève à 250 millions d’euros. Des coupes ciblées pour financer des achats plus stratégiques. Mais c’est sur le plan technologique que le choc est le plus frontal. Le rapport suggère d’abandonner le projet européen Eurodrone, considéré comme obsolète avant même sa mise en service prévue en 2031. Un appareil « trop gros, trop lent, trop cher », écarté au profit du drone Aarok, développé par la PME française Turgis & Gaillard.
Redéployer les moyens : les parias budgétaires désignés
Même le porte-avions de nouvelle génération (PANG), fleuron attendu de la dissuasion navale, n’échappe pas à la critique. Sa construction, censée débuter cette année, pourrait être reportée. Thomas Gassilloud le justifie par un besoin urgent de « libérer des marges pour des programmes plus pressants ». Damien Girard pousse même l’idée d’en construire deux, en coopération européenne, afin d’assurer une permanence maritime.
Pour donner du souffle aux armées, les députés veulent surtout élargir les capacités concrètes. Cela commence par la multiplication des systèmes d’artillerie de saturation. Alors que la LPM fixe l’objectif à 26 lance-roquettes multiples d’ici 2035, ils en réclament 48. En parallèle, ils souhaitent l’acquisition rapide du système Foudre, concurrent français du HIMARS, pour disposer d’une réponse nationale, prête à l’emploi.
Autre levier : une nouvelle division terrestre, pensée comme un réservoir de combat rustique. Elle serait composée de groupements tactiques légers, armés de véhicules civils militarisés, de drones et d’armements simples. Principalement composées de réservistes, ces unités serviraient à défendre le territoire ou à harceler des forces ennemies. Une approche à contre-courant, mais alignée avec les réalités budgétaires et tactiques du moment. Ce virage stratégique n’est pas gratuit. Les deux rapporteurs estiment que leurs propositions nécessitent 2,5 milliards d’euros supplémentaires par an, en plus du budget actuel de la loi de programmation militaire. C’est beaucoup. Mais selon eux, c’est le prix à payer pour redonner à la France les moyens de ses ambitions.