Antibiotiques : une usine stratégique ferme en Europe et part en chine

Alors que l’Europe affiche sa volonté de reconquérir une autonomie sanitaire, une révélation du Financial Times vient contredire la réalité industrielle. Une fermeture d’usine en apparence banale prend ici les allures d’un séisme stratégique.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 6 mai 2025 14h11
Cognitive Search Secteur Pharmaceutique France
@shutter - © Economie Matin
84%Les médicaments génériques représentent 84% des ventes en France (lorsqu'il existe)

Dans une enquête publiée le 6 mai 2025, le Financial Times a révélé que Xellia Pharmaceuticals, dernier fabricant européen de certaines substances actives critiques pour les antibiotiques, fermait son principal site de production à Copenhague. Cette décision, confirmée par l’entreprise au quotidien britannique, marque un recul inquiétant de l’Europe dans la chaîne pharmaceutique mondiale, au moment même où Bruxelles prétend vouloir la restaurer.

Xellia plie bagage : l’industrie pharmaceutique européenne perd un de ses piliers

Selon l’article d’Andy Bounds, correspondant à Bruxelles pour le Financial Times, l’entreprise danoise Xellia Pharmaceuticals a informé ses salariés, début mai, de la fermeture prochaine de son site industriel de Copenhague, ce qui entraînera la suppression de 500 emplois. Toujours selon le journal, une partie de la production sera délocalisée vers la Chine, où Xellia dispose déjà d’une usine.

Xellia, détenue par Novo Holdings (maison mère du géant danois Novo Nordisk), produit des antibiotiques injectables destinés aux hôpitaux, dont la vancomycine hydrochloride, utilisée contre des infections sévères comme la septicémie multirésistante.

D’après les informations du Financial Times, la moitié des ingrédients actifs fabriqués par Xellia sont référencés sur la liste des médicaments critiques de l’Union européenne et sur celle des médicaments essentiels de l’OMS.

Un constat brutal : l’Europe perd un bastion stratégique de l’industrie du médicament

Le Financial Times souligne que 80 % des principes actifs utilisés dans l’Union européenne proviennent déjà de Chine. Pour Michael Kocher, directeur général de Xellia, ce chiffre est appelé à grimper, en l’absence de soutien des pouvoirs publics : « Sinon, ce ne sera pas seulement 80 % des principes actifs qui viendront de Chine. Ce sera presque 100 % très bientôt. »

Kocher, cité par le journal britannique, pointe directement le rôle des systèmes de santé européens, qui continuent de refuser de revaloriser le prix des médicaments génériques. Faute de pouvoir produire à perte, Xellia plie bagage. « Nous parlons beaucoup de relocalisation. Je pense qu’il est tout aussi important de veiller à ce que ce que nous avons déjà en Europe y reste. »

La critique des politiques européennes trop lentes et trop faibles

Le Financial Times rappelle que la Commission européenne a dévoilé en mars 2025 les grandes lignes d’une “Critical Medicines Act”, censée favoriser la production locale de 200 médicaments clés comme la pénicilline ou la morphine. Mais selon Kocher, ces initiatives n'arrivent pas à temps : « Les coûts augmentent, vous essayez de les répercuter sur vos clients, et vos clients décident que c’est trop cher et augmentent leur part de produits venant de Chine. »

Xellia n’est pas la seule entreprise à dénoncer cet état de fait. Toujours selon l’article, les PDG de Novartis et Sanofi ont écrit à la Commission européenne pour réclamer une augmentation des prix, pointant le risque d’une fuite massive des capacités vers les États-Unis ou l’Asie. Xellia, pour sa part, n’envisage pas de s’implanter en Amérique du Nord à court terme, mais déplacera graduellement sa production sur dix ans.

La fermeture de Copenhague met en péril la production locale de médicaments jugés “vitaux” par les autorités de santé internationales, rappelle le Financial Times. Kocher va jusqu’à avertir d’un risque sanitaire systémique : « Sans notre portefeuille de produits, nous serions confrontés à un défi énorme. Le Covid serait un petit problème en comparaison. » Cette déclaration résonne comme un aveu d’échec européen, à l’heure où l’on prétend renforcer l’autonomie stratégique de l’Union dans les secteurs critiques.

Industrie pharmaceutique : la dépendance est désormais concrète

La révélation par le Financial Times de la fermeture de Xellia à Copenhague signe un recul tangible et chiffré des ambitions industrielles européennes. Loin des discours sur la souveraineté sanitaire, l’Union laisse partir le dernier bastion de production locale d’antibiotiques injectables. Et les chiffres évoqués dans l’article laissent peu de place au doute : sans soutien public rapide et structuré, l’industrie pharmaceutique européenne va continuer à céder du terrain – non plus en théorie, mais dans les faits.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

No comment on «Antibiotiques : une usine stratégique ferme en Europe et part en chine»

Leave a comment

* Required fields