Airbus alerte sur le calendrier du SCAF et la dépendance américaine

Alors que le programme européen d’avion de combat du futur avance lentement, Airbus met en garde contre un risque de décrochage stratégique. Airbus plaide pour une inflexion immédiate afin de préserver la souveraineté technologique du continent.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 13 mai 2025 15h34
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airbus-alerte-sur-scaf-dependance-americaine - © Economie Matin
766 avionsAirbus a livré 766 avions en 2024.

Le 6 mai 2025, Jean-Brice Dumont, vice-président exécutif d’Airbus en charge des avions militaires, a accordé une interview à La Tribune. Il y exprime une série d’inquiétudes concernant la trajectoire actuelle du SCAF (Système de Combat Aérien du Futur), évoquant notamment la lenteur du processus, la fragmentation européenne et la dépendance croissante aux équipements américains. Airbus, par la voix de l’un de ses plus hauts responsables, appelle à une révision rapide des priorités.

Airbus face au SCAF : des ambitions et un calendrier en collision

Le SCAF, projet phare censé structurer la défense aérienne européenne à horizon 2040, vise à remplacer les appareils actuels par un système de combat ultra-connecté. Mais du côté d’Airbus, on doute de plus en plus de la faisabilité du calendrier.

« SCAF, ça commence dès aujourd'hui. Le besoin opérationnel de SCAF existe déjà. Si on ne bouge pas dès maintenant sur le combat collaboratif, l'Europe va acheter américain dans cinq ans », avertit Jean-Brice Dumont dans La Tribune. Selon lui, le décalage entre l’évolution rapide des menaces et le rythme industriel du programme pourrait ouvrir un boulevard aux fournisseurs extra-européens.

L’industriel prône une stratégie pragmatique : intégrer dès à présent les briques technologiques collaboratives sur les plateformes existantes comme le Rafale ou l’Eurofighter, afin d’expérimenter en conditions réelles sans attendre la mise en service d’un appareil totalement nouveau.

Un programme trop lent face à un environnement en mutation rapide

Jean-Brice Dumont poursuit : « Nous devons tracer une feuille de route entre 2025 et 2040 et surtout éviter que chacun soit dans son silo pendant 15 ans ». Un appel clair à la coordination entre les nations partenaires du programme, mais aussi à un effort de convergence technologique accéléré.

Le risque identifié ? Qu’à force de planification trop rigide, le SCAF devienne obsolète avant même son déploiement. Alors que les États-Unis et la Chine progressent à grande vitesse dans l’intégration de systèmes de guerre en réseau et de combat collaboratif, l’Europe pourrait se retrouver à la traîne.

C’est en ce sens que Jean-Brice Dumont invite à « commencer avec les avions d’aujourd’hui en France et en Allemagne et préparer les technologies dont on a besoin pour la génération suivante ». Plutôt qu’un grand saut technologique dans quinze ans, il défend une montée en puissance progressive.

Un enjeu industriel… mais surtout stratégique

Au-delà des considérations industrielles, Airbus alerte sur une réalité politique : la dépendance croissante des armées européennes aux équipements américains. Jean-Brice Dumont n’est pas le seul à soulever cette question : Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation, rappelait récemment que « la majorité des avions européens sont aujourd'hui américains », ce qui interroge sur la capacité du continent à conserver une autonomie stratégique réelle.

Ce constat nourrit la position d’Airbus : selon l’entreprise, la souveraineté européenne passe par des choix technologiques clairs, coordonnés, et un investissement sans délai dans des solutions indigènes, interopérables, et modulaires.

Les appels à l’action se multiplient, mais les retards persistent. Le programme SCAF, voulu comme un catalyseur industriel européen, risque de cristalliser les limites d’une coopération politique fragmentée.

Quelle réponse européenne face à l’urgence technologique ?

Pour Airbus, le débat dépasse largement la construction d’un nouvel avion. Il s’agit de maîtriser les environnements opérationnels du futur, de l’intelligence artificielle embarquée aux drones co-pilotés, en passant par les communications cryptées en temps réel.

L’Europe a-t-elle encore les moyens de son ambition ? À cette question, Jean-Brice Dumont répond par un avertissement : il faut agir maintenant pour éviter que d’ici cinq ans, les solutions américaines deviennent la norme de fait dans les forces aériennes du continent.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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