Cyberguerre : la Chine attaque les fabricants de puces de Taïwan

La société américaine de cybersécurité Proofpoint a levé le voile sur une vague de cyberattaques d’une ampleur inédite. Des groupes de pirates informatiques liés à l’État chinois ont ciblé l’industrie des semi-conducteurs à Taïwan. Une manœuvre stratégique qui soulève bien des interrogations dans un contexte géopolitique déjà surchauffé.

Anton Kunin
By Anton Kunin Last modified on 17 juillet 2025 8h14
Cyberguerre : La Chine attaque les fabricants de puces de Taïwan
Cyberguerre : la Chine attaque les fabricants de puces de Taïwan - © Economie Matin
60%Taïwan produit environ 60% de l’ensemble des semi‑conducteurs fabriqués dans le monde.

Taïwan dans la ligne de mire des hackers

Depuis le printemps 2025, les attaques numériques se multiplient contre les entreprises taïwanaises spécialisées dans les semi-conducteurs. Ces attaques, menées par au moins trois groupes distincts identifiés par Proofpoint, visaient à infiltrer les systèmes internes de sociétés taïwanaises, non seulement des géants de la production, mais aussi des fournisseurs, des laboratoires et même des analystes financiers.

« Nous avons vu une nette intensification depuis mars 2025. Ces campagnes ne sont pas le fruit d’amateurs : elles sont très ciblées, très précises », alerte Mark Kelly, chercheur principal chez Proofpoint, dans ce rapport publié le 16 juillet 2025.

Comment les pirates informatiques chinois s'y prennent-ils ?

À première vue, rien de bien spectaculaire : un e-mail qui semble provenir d’un étudiant à la recherche d’un stage, une pièce jointe anodine, un lien vers un faux site de connexion. Mais derrière cette banalité se cache une stratégie d’infiltration redoutablement efficace.

Les hackers utilisent des techniques bien rôdées :

  • ils se font passer pour des candidats envoyant leur CV à des services RH,
  • ils simulent des messages professionnels, parfois en usurpant des adresses d’universités taïwanaises,
  • ils envoient des liens piégés ou des documents qui ouvrent la porte aux logiciels espions.

Une fois installés, ces logiciels permettent de collecter des données sensibles, d’observer les comportements internes, voire de suivre des projets de recherche confidentiels.

Pourquoi cibler les semi-conducteurs taïwanais ?

Taïwan, c’est l’eldorado du silicium. L’île produit plus de 60% des semi-conducteurs mondiaux et détient un quasi-monopole sur les puces les plus avancées utilisées dans les smartphones, les centres de données ou encore l’armement. La Chine, en quête d’autonomie technologique, voit là une dépendance stratégique qu’elle cherche à briser.

Les restrictions américaines sur l’exportation de technologies vers Pékin n’ont fait qu’attiser cette course. Résultat : les cyberattaques deviennent une arme comme une autre. Moins coûteuse qu’une guerre économique, plus discrète qu’une manœuvre militaire, l’espionnage numérique permet à la Chine de grappiller des avancées industrielles… sans quitter son clavier.

Jusqu’où ira cette guerre invisible ? Derrière les attaques, les profils se précisent. Proofpoint a notamment identifié :

  • un groupe ciblant les recruteurs du secteur, en utilisant de faux CV pour piéger leurs boîtes mail,
  • un autre groupe s’en prenant aux analystes financiers, afin de comprendre la stratégie d’investissement du secteur,
  • et enfin, des tentatives de vol d’identifiants via de faux portails de connexion imitant les sites internes des entreprises.

À ce jour, aucune compromission majeure n’a été officiellement reconnue. Mais les entreprises visées, parmi lesquelles des fournisseurs de géants comme TSMC, restent muettes, préférant renforcer discrètement leurs défenses plutôt que d’alerter publiquement.

Une menace qui dépasse Taïwan

Ces cyber-opérations montrent que la guerre des puces se joue bien au-delà des chaînes de production. Les données, les plans d’usine, les relations commerciales, tout est désormais cible. Et Taïwan n’est qu’un début. Les mêmes groupes ont déjà été observés dans d’autres campagnes contre des instituts de recherche aux États-Unis et des entreprises technologiques en Europe. Ce que cherche la Chine ? Sans doute un raccourci vers l’indépendance technologique.

Preuve que l’offensive est mondiale, un groupe nommé « Amoeba » a récemment ciblé une entreprise chimique taïwanaise liée à la fabrication des semi-conducteurs. Objectif : remonter la filière et fragiliser les maillons les moins protégés. Ce type d’attaque montre à quel point les chaînes d’approvisionnement, même indirectes, sont vulnérables.

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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