L’intelligence artificielle et la conduite autonome s’invitent sur les chantiers. Une entreprise inconnue du grand public jusqu’ici vient de lever une somme colossale pour bouleverser un secteur où la pénurie humaine et l’archaïsme technologique font bloc. Objectif ? Réécrire les règles du BTP et y rajouter une dose de futurisme.
BTP : bientôt des tractopelles autonomes sur les chantiers ?

Le 16 juillet 2025, une nouvelle venue du secteur technologique a fait une entrée fracassante dans l’univers du BTP. L’entreprise Bedrock Robotics, lancée par d’anciens cadres de Waymo, les taxis autonomes de Google, a officialisé son ambition de transformer les chantiers grâce à des engins de construction autonomes, intégrant robotique et intelligence artificielle.
Bedrock Robotics : un projet né de la robotique automobile
À l’origine de Bedrock Robotics, on retrouve trois figures de la tech issues de Waymo, la filiale de conduite autonome d’Alphabet, dont l’ancien directeur du programme poids lourds, et un quatrième cofondateur issu de Segment. Leur idée ? Tirer parti de leur savoir-faire dans les systèmes autonomes pour répondre aux défis du secteur de la construction.
Plutôt que de concevoir de nouveaux engins, la start-up californienne s’attaque à l’existant. Son pari : transformer des machines de chantier traditionnelles, comme des excavatrices, en robots intelligents, capables d’opérer sans conducteur grâce à un kit rétrofit, installé en une journée et réversible. Ce choix de l’intégration non invasive représente une rupture stratégique avec les approches classiques du secteur, souvent basées sur du matériel neuf et coûteux.
Des engins de chantier autonomes : une réponse directe aux failles structurelles du BTP
Les fondateurs de Bedrock Robotics s’appuient sur un constat préoccupant : aux États-Unis, plus de 500 000 postes dans la construction restent vacants, et 40 % de la main-d’œuvre actuelle devrait partir à la retraite dans les dix prochaines années, selon Rock Products Magazine. Pendant ce temps, 1,25 milliard d’heures sont annuellement consacrées à la conduite d’engins de chantier, un temps de travail difficile à compenser avec les seules ressources humaines. Cette situation s’exacerbe dans un contexte de réindustrialisation accélérée. En 2024, les investissements dans les usines manufacturières américaines ont atteint 238 milliards de dollars, un record.
Avec son système baptisé Bedrock Operator, la jeune pousse veut automatiser les tâches pénibles, allonger les cycles de production, améliorer la sécurité, et générer des données exploitables en temps réel pour les chefs de projet.
Un écosystème stratégique et des soutiens de poids
Pour lancer sa vision, Bedrock a levé 80 millions de dollars (environ 73,5 millions d’euros) en deux tours successifs : un tour d’amorçage mené par Eclipse et une série A pilotée par 8VC. À ces investisseurs s’ajoutent NVentures (le fonds de NVIDIA), Two Sigma Ventures, Valor Equity Partners, ainsi que Tishman Speyer et Atreides Management, détaille TechCrunch.
La nomination récente de Laurent Hautefeuille, ancien EVP d’Uber Freight, au poste de directeur des opérations, vient renforcer l’équipe dirigeante. Hautefeuille avait contribué à bâtir Uber Freight qui a atteint jusqu’à un chiffre d’affaires de cinq milliards de dollars. Un savoir-faire logistique qui tombe à point nommé pour structurer la montée en puissance de Bedrock dans le secteur du BTP.
Sur le terrain, l’entreprise n’en est plus au stade de prototype. Des machines équipées de ses systèmes sont déjà opérationnelles sur des chantiers en Arizona, au Texas et en Arkansas. Parmi les partenaires, figure Sundt Construction, un acteur majeur basé à Phoenix. Bedrock a également signé avec trois entreprises texanes : Zachry Construction, Champion Site Prep et Capitol Aggregates.
Objectif 2026 : des chantiers sans opérateur humain
Si les premiers résultats sont probants, la prochaine étape est déjà fixée. Bedrock Robotics vise une commercialisation sans opérateur d’ici 2026. Un chantier piloté à distance ou même totalement autonome, c’est plus qu’une prouesse technique : c’est un changement de paradigme pour un secteur longtemps ancré dans des pratiques manuelles, fragmentées et peu digitalisées.
Ce type de robotique intelligente, couplée à des algorithmes de planification et de gestion de chantier, pourrait transformer la manière dont les bâtiments, routes et infrastructures sont conçus, exécutés et livrés. Et si Bedrock réussit, ce sont des milliards d’euros de gains de productivité qui pourraient être libérés dans le secteur du BTP mondial.