Relance du nucléaire en France : Fessenheim sauvée et 14 centrales de plus ?

Un vote, 14 réacteurs, et une ambition énergétique relancée à l’horizon 2050. Les députés ont décidé, le 18 juin 2025, de donner un coup de boost au nucléaire en France. Mais il reste des questions en suspens.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 19 juin 2025 5h14
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86,9%Le nucléaire représente 86,9 % de la production d'électricité d'EDF

Le 18 juin 2025, l’Assemblée nationale a voté une relance massive du nucléaire en France. Ce texte ancre le nucléaire comme socle de l’électricité française pour les 25 prochaines années. Une bonne idée, qui omet toutefois que le temps est compté et que le réchauffement climatique est quasiment déjà irréversible.

Une stratégie parlementaire pour relancer le nucléaire

En adoptant l’article 3 de la proposition de loi portée par le sénateur Daniel Gremillet, les députés ont confirmé la priorité donnée à l’énergie nucléaire dans la planification énergétique française. Ce texte prévoit une augmentation de 27 gigawatts de capacité nucléaire d’ici 2050, soit l’équivalent de 14 réacteurs EPR2, en plus des 63 gigawatts actuellement installés. L’adoption s’est faite grâce à un amendement défendu par Antoine Armand, député Renaissance, soutenu par les groupes LR et Rassemblement national. « Nous actons une relance d’une ambition inédite : maintien du parc existant, construction de 14 EPR, décision d’un réacteur de 4ᵉ génération », a déclaré Antoine Armand à l’AFP.

La loi prévoit de lancer la construction de 6 réacteurs (10 GW) avant 2026, et 8 autres (13 GW) d’ici 2030. Le texte s’inscrit dans le cadre de la planification pluriannuelle de l’énergie, qui sera concrétisée par un décret d’application promis avant fin août 2025.

Un investissement hors norme pour l’électricité nucléaire

La relance s’accompagne d’un programme de financement colossal. Le projet de six premiers EPR2 avait déjà été estimé à 80 milliards d’euros dans les annonces de 2022, selon BFMTV. La suite du programme nécessitera des investissements publics et privés supplémentaires, alors même que les coûts passés des projets Flamanville ou Hinkley Point appellent à la prudence.

Malgré cela, le ministre délégué à l’Industrie, Marc Ferracci, a affirmé que le gouvernement publierait le décret fixant la feuille de route énergétique avant la fin de l’été, afin de permettre « le lancement rapide des investissements ». En pleine cure d’austérité et alors que le gouvernement refuse obstinément de taxer les plus grandes fortunes de France, la question se pose : où va-t-on trouver l’argent nécessaire ?

Fessenheim : le retour de la centrale nucléaire maudite

Le vote du 18 juin ne se limite pas à la planification à long terme. Il a également validé le redémarrage des deux réacteurs de Fessenheim, arrêtés en 2020. Ce retour en arrière, soutenu par le RN et une partie de la majorité, a été critiqué à gauche comme à droite. « C’est une mesure d’affichage sans vision, ni financement », a déploré Charles Sitzenstuhl, député Renaissance cité par Le Parisien.

Les débats ont mis en lumière une ligne de fracture. Pour Anne Stambach-Terrenoir (LFI), « les sommes colossales investies dans cette énergie du passé, c’est autant d’argent qui ne sera pas mobilisé pour les énergies renouvelables », relaye BFMTV.

À l’inverse, pour Jérôme Nury (LR), « le nucléaire est la plus décarbonée, la plus pilotable, la plus souveraine et financièrement la plus tenable ». Ces arguments ont pesé alors que la sécurité énergétique de la France reste stratégique.

De nouvelles centrales nucléaires en prévision : des réacteurs EPR2 au projet de 4ᵉ génération

Le texte prévoit la construction de réacteurs EPR2, de type génération III+, conçus pour une puissance accrue (1 650 MW), une meilleure sûreté, et une réduction de 15 à 30 % des déchets

La loi mentionne aussi un réacteur de 4ᵉ génération, dont le développement relèverait de la recherche publique, via France 2030. Aucun calendrier précis n’est encore fixé, mais la réactivation du programme ASTRID, ou l’usage de technologies sodium, fait partie des hypothèses.

Ce vote ouvre une séquence inédite. Entre ambition industrielle, enjeux climatiques et contraintes budgétaires, la France s’engage dans un programme nucléaire à très long terme. La prochaine échéance : le décret de planification énergétique, attendu avant fin août 2025, qui précisera les lieux, les échéanciers et les modalités de financement. Mais d’ici à ce que la France dispose de ces nouvelles capacités de production, il sera déjà trop tard pour la planète.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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