Les apparences sont souvent trompeuses. Derrière les badges, les horaires à rallonge et les réunions à la chaîne, une autre réalité s’installe. Loin des discours de façade, des travailleurs consomment de l’alcool et de la drogue en silence. Le constat dérange. Et pourtant, il est désormais chiffré.
1 Français sur 20 est soit drogué, soit bourré au bureau

Vendredi dernier, à l’heure du débrief, trois collègues partagent un verre. Un quatrième rejoint discrètement l’équipe, les pupilles dilatées. Dans les tests, ils seront quatre à être positifs. C’est devenu une routine. Invisible, mais bien réelle.
Une explosion invisible : l'alcool et la drogue s'invitent au bureau
Le mot-clé est clair : travail. Et l'étude publiée le jeudi 12 juin 2025 par Ithylo, branche de l’entreprise Aperli, le martèle avec brutalité. En huit ans, la consommation d'alcool et de drogue sur les lieux de travail a bondi de 107 %. En 2017, 2,55 % des personnes testées étaient positives. En 2025, ce chiffre atteint 5,29 %. Une hausse que même les auteurs de l’étude n’avaient pas anticipée.
« On ne s’attendait pas à une telle augmentation », affirme Jean-Jacques Cado, président fondateur d’Aperli, dans Le Figaro, le jeudi 12 juin 2025. Les chiffres sont là, et ils sont massifs. La courbe des cas positifs grimpe en flèche depuis la crise sanitaire. Entre 2022 et 2024, +43 % pour l’alcool, +52 % pour les stupéfiants.
L’étude, intitulée Révéler ce qui ne se voit pas, désigne clairement une population à risque : les intérimaires. Bien qu’ils ne représentent que 15 % des personnes dépistées, ils concentrent à eux seuls 25 % des cas positifs au cannabis, 31 % à la cocaïne, et 18 % à l’alcool. La proportion alerte. Ce sont ces travailleurs de l’ombre, souvent cantonnés à des tâches pénibles, aux horaires décalés, à l’isolement, qui basculent plus facilement.
L’exemple d’un chantier de nuit est révélateur. Vingt et un ouvriers. Sept logés ensemble. Sept positifs à la cocaïne. « La drogue est apportée par l’un, partagée par les autres », précise l’étude. Le groupe agit comme catalyseur, la pression sociale remplace l’encadrement, et l’absence d’intégration favorise les écarts.
Cocaïne : de la fête aux entrepôts
C’est le basculement le plus spectaculaire. La cocaïne, autrefois associée à des cercles urbains et festifs, s’est infiltrée dans les entrepôts, les ateliers, les zones industrielles. Selon l’étude, le nombre de cas positifs à la poudre blanche a été multiplié par 13 entre 2017 et 2025. Une mutation fulgurante.
« Il n’est plus rare de dépister plusieurs cas groupés sur un même site », constate Jean-Jacques Cado. La cocaïne devient presque banale, tolérée de fait dans certains secteurs où le contrôle reste marginal. Elle n’est pourtant pas la plus consommée : le cannabis demeure en tête avec 1,8 % de tests positifs, soit une hausse de 30 % en huit ans.
Le profil des consommateurs d’alcool au travail est plus diffus. Pas de figure unique, mais des régularités : le soir, les fins de semaine. L’étude note que les taux de positivité à l’alcool doublent après 17 heures. Le pic ? Le vendredi soir, avec 3,16 % de cas positifs contre 1,59 % en moyenne.
Une précédente enquête d’Aperli établissait que l’âge médian des consommateurs d’alcool était de 44 ans. Mais les jeunes testés positifs présentaient souvent des taux plus élevés. L’accès à l’alcool est simple, souvent ignoré par les équipes encadrantes, banalisé au sein de certaines cultures d’entreprise. En Bretagne, 6,6 % des salariés testés sont positifs à l’alcool ou aux drogues, soit le taux le plus élevé de France métropolitaine.