Quelque chose ne tourne plus rond dans les concessions automobiles. L’odeur du neuf ne fait plus recette et l’asphalte tremble sous les roues vieillissantes de la voiture d’occasion. Que cache cette désaffection pour les modèles flambant neufs ?
Voitures neuves : un luxe devenu inaccessible pour les Français
L’automobile en crise : l’ombre d’un secteur qui cale
Depuis janvier 2025, le marché automobile traverse une zone de turbulences dont il peine à s’extirper. Le 1ᵉʳ juin 2025, les chiffres du Comité des Constructeurs Français d’Automobiles (CCFA) sont tombés comme un couperet : 123 919 voitures particulières neuves immatriculées en mai, soit une chute de 12 % en un an. Sur les cinq premiers mois de l’année, le recul cumulé atteint -8 %, selon les données du ministère de l’Économie et de la Plateforme automobile (PFA). L’automobile ne séduit plus – ou plutôt, elle échappe à une large majorité des Français.
En mars déjà, la tendance était prévisible. Le marché avait enregistré un plongeon de 14,5 %, totalisant à peine 153 842 unités. Le trimestre se clôturait avec 410 085 véhicules neufs immatriculés, soit une baisse de 7,8 % par rapport à 2024. Ce n’est pas un accident : c’est une hémorragie.
L’automobile trop chère, la voiture neuve sacrifiée
Pourquoi les voitures neuves ne trouvent-elles plus preneurs ? Parce qu’elles sont devenues, tout simplement, hors de prix. Le prix moyen d’un véhicule neuf a bondi de 24 % entre 2020 et 2024, passant de 28 000 à 35 000 euros. Une Renault Clio, icône de l’automobile populaire, coûtait 12 043 euros en 2000, l’équivalent de 11 mois de salaire au Smic. En 2025, il faut désormais 14 mois de Smic pour s’en offrir une version d’entrée de gamme à 20 000 euros. Le choc est frontal.
Et les chiffres sont implacables : seuls 2 % des ménages achètent une voiture neuve chaque année, contre 7 à 8 % dans les années 1990. Le reste du pays roule en seconde main, par contrainte plus que par choix.
L’automobile étranglée par les politiques et les normes
Mais il n’y a pas que les prix. La fiscalité a suivi un chemin pavé d’absurdités. Le bonus écologique a fondu comme neige au soleil, quand il n’a pas tout bonnement disparu pour les entreprises. À l’inverse, le malus CO₂ s’est renforcé, pénalisant encore davantage les acheteurs potentiels. Comme si cela ne suffisait pas, le "leasing social", qui permettait aux foyers modestes de louer un véhicule électrique pour environ 100 euros par mois, a été suspendu après… trois semaines d’existence. 50 000 voitures avaient été écoulées en un temps record. Depuis, plus rien.
La conséquence est limpide : les acheteurs attendent. Ils espèrent des jours meilleurs, des prix plus doux, des réglementations compréhensibles. Surtout, ils redoutent les revirements réglementaires. Les normes évoluent sans cesse, l’électrification est imposée à marche forcée, et les ménages modestes sont les premiers laissés sur le bord de la route.
L’automobile se sauve… en Renault 5 électrique
Dans ce marasme, une marque tire (un peu) son épingle du jeu : Renault. En mars 2025, le groupe a limité la casse avec un recul limité à 1 %, tandis que Stellantis plongeait de 17 %, Tesla de 36,8 %, Mercedes de 48,4 % et Volvo de 59,6 %. Le petit miracle s’appelle Renault 5 E-Tech : une citadine électrique néo-rétro, vendue à 31 000 euros, qui a séduit 9 187 acheteurs au 31 mars.
Le secteur appelle à un sursaut. L’industrie réclame des mesures fortes pour enrayer la spirale. Mais en attendant, le Français moyen préfère une voiture d’occasion – ou rien du tout. Car dans un pays où le Smic plafonne à 1 400 euros nets et où le moindre véhicule neuf exige 30 000 euros, le rêve automobile s’est éteint au coin du garage.
Le marché de l’occasion, lui, se porte bien. Et pour cause : il est devenu la seule voie d’accès à la mobilité pour une majorité de la population. En 2025, acheter neuf, c’est afficher une forme de richesse. Une voiture neuve est désormais un produit de luxe, inaccessible et presque indécent dans le contexte actuel.