Le Board Member Business Club a réuni mardi 17 juin deux figures emblématiques de la gouvernance et du leadership à l’occasion de son dernier afterwork : Virginie Calmels, entrepreneuse, ancienne élue et administratrice aguerrie, puis Jacques-Henri Eyraud, dirigeant à l’expérience multisectorielle, ancien président de l’Olympique de Marseille. Deux visions complémentaires du rôle d’administrateur indépendant à l’heure des transformations économiques, sociales et numériques.
Virginie Calmels et Jacques-Henri Eyraud, invités du Board Member Business Club : « il faut beaucoup d’audace pour pouvoir transmettre ! »

Virginie Calmels : parcours sans filet entre LBO, politique et formation des jeunes
Au micro du Board Member Business Club, Virginie Calmels a livré un témoignage dense, sans langue de bois, retraçant un parcours qui l’a menée de la direction de grands groupes audiovisuels à la création d’une école innovante, en passant par l’engagement politique.
Ancienne directrice générale puis PDG d’Endemol France, elle a piloté l’un des plus grands LBO mondiaux juste avant la crise des subprimes (3,5 milliards d’euros en 2007). Elle rejoint ensuite Alain Juppé à Bordeaux comme première adjointe, sur un coup de téléphone qui a changé sa trajectoire : « Si je dis non, je vais le regretter », confie-t-elle.
En politique, elle découvre la violence de l’engagement : « La politique, c’est une machine à broyer. C’est un univers où les profils libres sont souvent perçus comme des menaces. » Malgré cela, elle assume : « Je le referais. »
Mais c’est vers la transmission qu’elle se tourne depuis 2020 avec la création de l’école Futurae, spécialisée dans les métiers en tension (jeu vidéo, animation 3D, audiovisuel, marketing digital) : « J’ai voulu créer un projet à mi-chemin entre l’intérêt général et le business. L’égalité des chances passe par le réseau, et je veux être ce réseau pour les jeunes. »
Conseil d’administration : le regard d’une experte engagée
Membre de plusieurs boards prestigieux (Free, Ipsos, Assystem, Pull Up), Virginie Calmels a partagé au Board Member Business Club une vision sans concession du rôle d’administrateur : « Ce n’est pas une chambre d’enregistrement. Un bon board, c’est de la contradiction saine, une aide précieuse contre la solitude du dirigeant. »
Elle reconnaît avoir été d’abord sceptique sur les quotas de féminisation, avant d’en constater les effets bénéfiques : « Les femmes préparent énormément. Et les hommes s’y sont mis aussi ! » Résultat : des conseils plus dynamiques, plus professionnels, moins endogamiques.
Calmels défend aussi la diversité des profils : « Un bon board, ce n’est pas que des ex-CEO. Il faut des experts métiers, des profils techniques. »
Enfin, elle souligne que le rôle d’administrateur, s’il est pris au sérieux, est « très complémentaire d’une activité opérationnelle. Il oblige à s’ouvrir, à challenger ses convictions, à rester curieux. »
Jacques-Henri Eyraud : du foot aux studios, une gouvernance exigeante et lucide
Invité en seconde partie de soirée, Jacques-Henri Eyraud a captivé l’assemblée par la variété de son parcours : Disney, Sportever, Média365, présidence de l’Olympique de Marseille (OM), puis aujourd’hui administrateur et investisseur dans le cinéma et le sport.
Sa trajectoire débute chez Euro Disney, où il apprend la rigueur des grands groupes américains : « J’étais porte-parole à 26 ans, face à CNN et l’AFP. Une école de la pression et de la précision. »
En 2016, il devient président de l’OM sous l’impulsion de Frank McCourt, ex-propriétaire des Dodgers. Il restructure le club, obtient la gestion exclusive du stade Vélodrome et y génère plusieurs dizaines de millions d’euros de chiffre d’affaires hors matchs.
Eyraud insiste sur un point essentiel : « Dans les industries de passion comme le foot ou les médias, il faut garder une distance émotionnelle. L’administrateur fanatique est un danger. »
Administrateur indépendant : engagement, limites et éthique
Fidèle à l’esprit du Board Member Business Club, Jacques-Henri Eyraud a partagé sa vision du bon administrateur : « Il faut venir pour les bonnes raisons. Pas pour se placer. Pas pour remplacer un CEO. »
Il met en garde contre les « investisseurs frustrés » qui veulent prendre le pouvoir sans jamais avoir dirigé eux-mêmes : « Il faut comprendre ce que vivent les dirigeants, sinon on ne peut pas les aider. »
Il défend une gouvernance active : « Je veux des boards qui bossent, pas juste un vote trimestriel sur un communiqué. Un vrai board, c’est un séminaire, des travaux de fond, un travail d’équipe avec le management. »
Sport et création : deux secteurs en mutation, deux terrains d’innovation
Les deux intervenants ont mis en lumière la transformation rapide de leurs secteurs.
Virginie Calmels insiste sur l’obsolescence rapide des compétences : « Beaucoup d’écoles forment à des outils dépassés. Nous devons former pour l’emploi immédiat. »
Eyraud, lui, identifie deux tendances fortes :
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La professionnalisation du sport par des fonds d’investissement.
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L’irruption de nouveaux usages et formats (MMA, paddle, influenceurs, e-sport) : « Le sport est devenu une industrie. Il faut anticiper. »
Il regarde aussi l’intelligence artificielle avec attention : « Dans 10 ans, elle rédigera des scénarios, des comptes-rendus, voire produira des films. » Un clin d’œil à ses projets dans le cinéma, notamment chez EuropaCorp.
Le Board Member Business Club, un creuset de réflexion stratégique
Au fil de ces deux échanges, le Board Member Business Club a montré une fois de plus sa capacité à offrir un espace de parole riche, sans langue de bois, pour penser la gouvernance de demain.
De l’indépendance des administrateurs à la transformation des modèles économiques, en passant par la formation des jeunes ou la montée en puissance des actifs immatériels, Virginie Calmels et Jacques-Henri Eyraud incarnent deux manières exigeantes, complémentaires et inspirantes de « faire board ».
Virginie Calmels
Diplômée de l'ESC Toulouse et de l'iNSEAD, auditrice de l'IHEDN, Entrepreneure, dirigeante et administratrice, Virginie Calmels a commencé sa carrière comme commissaire aux comptes avant de diriger Endemol France puis Endemol Monde. Ancienne directrice générale de Canal+ Régie, elle a aussi été première adjointe au maire de Bordeaux sous Alain Juppé. Elle siège aujourd’hui aux conseils d’administration de Free, Ipsos, Assystem et Pull Up. En 2020, elle fonde l’école Futurae, spécialisée dans les métiers du numérique et de la création.
Jacques-Henri Eyraud
Diplômé de Sciences Po et d’Harvard, Jacques-Henri Eyraud a débuté chez Euro Disney avant de co-fonder Sportever(Média365). Il a ensuite dirigé Turf Éditions, puis présidé l’Olympique de Marseille de 2016 à 2021. Administrateur indépendant, il est aujourd’hui actif dans l’investissement et la restructuration d’entreprises dans les secteurs du sport, des médias et du divertissement, notamment chez EuropaCorp.