Uranium : le Niger nationalise la Somaïr, Orano perd le contrôle de la mine d’Arlit

Sable brûlant, tensions croissantes, et un minerai stratégique pour le nucléaire civil et militaire se retrouve au cœur d’une rupture diplomatique. Au Niger, l’uranium devient une arme politique.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 20 juin 2025 5h39
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15%Le Niger représentait jusqu’à 15 % de ses approvisionnements selon les estimations disponibles avant 2023

Le 19 juin 2025, le gouvernement du Niger a annoncé la nationalisation de la Somaïr, une société historique d’extraction d’uranium à Arlit. Une décision radicale, sur fond de crise diplomatique entre Niamey et Paris, qui bouleverse les équilibres du secteur nucléaire français. Cette mesure illustre un changement de cap stratégique pour le pays sahélien, et relance le débat sur la dépendance de la France à l’uranium nigérien.

Somaïr : un acteur historique de l’uranium au Niger

Fondée en 1971, la Société des mines de l’Aïr (Somaïr) est implantée à Arlit, au nord du Niger. Elle représentait jusqu’ici l’un des principaux pôles de production d’uranium du pays. Avant sa nationalisation, elle était détenue à 63,4 % par Orano, entreprise française majoritairement contrôlée par l’État, et à 36,6 % par le Niger via la Société du patrimoine des mines du Niger (Sopamin).

L’extraction d’uranium au Niger couvre environ 4 % de la production mondiale. Depuis plus de 50 ans, Somaïr en est un pilier. Mais l’environnement politique a radicalement changé depuis la prise de pouvoir de la junte militaire en 2023.

La nationalisation de la Somaïr : une rupture assumée avec Orano et la France

Le 19 juin 2025, à l’issue d’un Conseil des ministres, le régime nigérien a annoncé la prise de contrôle totale de la Somaïr. L’État reprend l’intégralité des actions et du patrimoine, évinçant ainsi Orano.

Citant le journal télévisé national relayant la décision gouvernementale, la RTN rapporte : « Face au comportement irresponsable, illégal et déloyal d'Orano, société détenue par l'État français, un État ouvertement hostile au Niger (...) l'État du Niger décide en toute souveraineté de nationaliser la Somaïr ». Par cette décision, Niamey entend sanctionner ce qu’il qualifie d’entraves à la souveraineté économique : blocage d’activités, retrait de personnel, démantèlement de matériel sans autorisation. Le ministre des Mines, relayé par l’ANP, dénonce « des actes contraires aux conventions signées ».

Orano en difficulté : arbitrage international et perte d’un site clé

Pour Orano, cette nationalisation est un revers majeur. La société avait déjà perdu l’accès à d’autres sites stratégiques nigériens, comme Imouraren (mis en sommeil) et Cominak (fermé en 2021). La perte d’Arlit signifie l’éviction complète d’un pays qui représentait un partenaire historique.

Dans une déclaration relayée par Zone Bourse, Orano souligne que l’accord minier avec le Niger était arrivé à expiration en décembre 2023, mais affirme avoir proposé une prolongation dans le cadre légal. Le groupe français annonce par ailleurs avoir saisi les juridictions internationales. L’option d’une indemnisation ou d’un rachat de parts reste juridiquement en suspens.

Conséquences sur le nucléaire français et réorganisation stratégique

La France tire environ 70 % de son électricité du nucléaire, et dépend en partie des importations d’uranium. Le Niger représentait jusqu’à 15 % de ses approvisionnements selon les estimations disponibles avant 2023. Cette décision politique crée donc un risque d’instabilité dans la chaîne d’approvisionnement. Face à ce nouveau contexte, la Commission européenne pourrait revoir ses stratégies d’approvisionnement. Orano, de son côté, pourrait accélérer ses investissements en Mongolie, au Canada et au Kazakhstan, où d'autres mines sont déjà en développement.

Au-delà de l’aspect industriel, cette nationalisation constitue un geste fort de rupture avec Paris. Comme l’écrit Le Monde : « Le Niger acte un désengagement radical avec l’ancienne puissance coloniale ». La junte nigérienne assume une reprise en main souveraine des ressources stratégiques. La Somaïr devient ainsi un emblème politique : celui d’un pays qui tourne le dos à un demi-siècle de partenariat nucléaire franco-nigérien.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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