L’UE lance DNS4EU : un DNS souverain pour protéger les données

La Commission européenne, en partenariat avec l’ENISA (Agence européenne pour la cybersécurité), a officialisé, ce 9 juin, le lancement du projet DNS4EU (Domain Name System for the European Union). Bruxelles ne se contente plus d’imposer des règles aux géants du numérique, elle construit désormais ses propres outils. Ce nouveau DNS européen, développé sous l’égide de la Commission européenne et de l’ENISA, entend offrir une alternative aux résolveurs américains en garantissant sécurité, respect de la vie privée et conformité au RGPD. L’UE veut ainsi reprendre le contrôle des données européennes pour ne plus en dépendre ni les voir traitées à l’étranger.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 11 juin 2025 13h00
L’UE lance DNS4EU : un DNS souverain pour protéger les données
L’UE lance DNS4EU : un DNS souverain pour protéger les données - © Economie Matin

DNS4EU, en gestation depuis plus de deux ans, se veut une alternative sécurisée et respectueuse du Règlement général sur la protection des données (RGPD), face aux géants américains comme Google Public DNS ou Cloudflare. C’est la première fois que l’Union européenne finance et coordonne une telle infrastructure, intégrée directement dans sa stratégie de souveraineté numérique.

DNS et données européennes : les enjeux d’un contrôle stratégique

Le DNS, ou système de noms de domaine, est la colonne vertébrale d’Internet. C’est lui qui traduit les adresses web lisibles par les humains en adresses IP compréhensibles par les machines. Mais c’est aussi un point névralgique de surveillance, de traçage et… de dépendance géopolitique. En utilisant des résolveurs DNS étrangers, une grande partie des métadonnées de navigation des citoyens européens transite hors des frontières de l’Union. Autant dire que cela revient à confier ses courriers privés à une poste étrangère.

Avec DNS4EU, Bruxelles siffle la fin de la récréation. La donnée des Européens restera chez les Européens. DNS4EU offre aux citoyens, entreprises et institutions de l’Union un service DNS respectueux des standards de sécurité européens et aligné avec le RGPD. Grâce à cette infrastructure, les informations personnelles restent sous juridiction européenne, réduisant les risques de transfert vers des autorités extérieures.

Le fonctionnement de DNS4EU : gratuit, filtré, coordonné

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, DNS4EU n’est pas un simple gadget bureaucratique. C’est une infrastructure distribuée, pilotée par l’entreprise tchèque de cybersécurité Whalebone, et soutenue par un consortium de 13 partenaires dans 10 pays européens. On y retrouve des acteurs publics et privés comme F-Secure (Finlande), CERT Polska (Pologne), CESNET (Tchéquie), ou encore le Ministère de la gouvernance électronique bulgare. DNS4EU propose plusieurs niveaux de service :

  • DNS protégé sans filtrage (86.54.11.100)
  • DNS protégé avec blocage publicitaire
  • DNS protégé avec contrôle parental
  • Combinations avec double filtrage (enfants + pub)

Chacun peut configurer manuellement ces résolveurs sur ses appareils. Et contrairement à d’autres services commerciaux, aucune donnée n’est vendue, aucune publicité n’est injectée, et le chiffrement est activé par défaut. Mais surtout, DNS4EU va plus loin, en cas de menace identifiée dans un État membre, la plateforme permet un blocage simultané et coordonné dans plusieurs pays, limitant la propagation des attaques. Un pare-feu continental, en quelque sorte.

Une première dans l’histoire d’Internet européen

Ce projet s’inscrit dans une dynamique plus large, celle d’un Internet européen souverain, résilient, décentralisé. DNS4EU ne remplace pas les autres services, mais propose une brique technologique propre, indépendante des intérêts commerciaux extra-européens. Et ce n’est pas le seul sur le créneau. D’autres initiatives, comme DNS0.eu lancé par Olivier Poitrey (ancien cofondateur de NextDNS, actuellement directeur de l’ingénierie chez Netflix), proposent des alternatives similaires. Mais DNS4EU est la première infrastructure officiellement portée par l’Union, avec une gouvernance publique transnationale.

Un levier pour reprendre le contrôle numérique La mise en place de DNS4EU, bien que technique, est un symbole fort. Elle signale la volonté de l’Europe de reprendre la main sur ses infrastructures critiques, après des décennies de dépendance implicite vis-à-vis des acteurs américains. Comme le rappelle le portail officiel du projet JoinDNS4EU, cette plateforme ambitionne de répondre à quatre grands défis :

  • Garantir la confidentialité des données DNS
  • Offrir un service public fiable à tous les citoyens
  • Protéger les enfants et les entreprises contre les contenus malveillants
  • Réagir collectivement aux cyberattaques

Derrière ces objectifs, se joue une reconquête stratégique du réseau. L’Union européenne affirme ainsi qu’elle ne se contentera plus d’être consommatrice passive de technologies importées, mais qu’elle devient productrice active d’une gouvernance numérique responsable.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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