Sous ses allures de service pratique et moderne, le programme “Uber One” se révèle être un vrai labyrinthe numérique pour bon nombre de consommateurs. Une plainte fédérale fracassante vient de dévoiler la face cachée de ce modèle d’abonnement, qui vaut aujourd’hui à Uber un procès retentissant.
Uber accusé d’arnaque : la FTC dénonce un abonnement impossible à fuir

La FTC dépose plainte contre Uber pour pratiques trompeuses
Le 21 avril 2025, la Federal Trade Commission (FTC), organisme fédéral américain chargé de la protection des consommateurs, a annoncé avoir intenté une action en justice contre Uber Technologies Inc. et sa filiale Uber USA LLC devant la Cour fédérale du district Nord de Californie. L’entreprise est accusée d’avoir enfreint la section 5 du FTC Act ainsi que la Restore Online Shoppers’ Confidence Act (ROSCA), deux textes phares du droit américain de la consommation.
Dans le communiqué officiel de la FTC, on peut lire : « Uber a facturé ses utilisateurs pour son service Uber One sans leur consentement, n’a pas tenu ses promesses d’économies, et a rendu la résiliation volontairement complexe malgré ses déclarations affirmant que le service pouvait être annulé “à tout moment” ».
Le piège Uber One : de l’inscription invisible à la résiliation impossible
Selon la plainte déposée par la FTC, le système mis en place par Uber repose sur ce que les experts appellent un “mécanisme à option négative” : le consommateur est inscrit par défaut, sans validation explicite, et doit se manifester activement pour ne pas être facturé.
Plusieurs éléments troublants sont rapportés :
- Les promesses d’économies de 25 dollars par mois ne tiennent pas compte du prix de l’abonnement, qui peut aller jusqu’à 9,99 dollars par mois (environ 9,40 euros).
- Des conditions importantes sont cachées dans du texte gris pâle difficilement lisible.
- Des utilisateurs affirment avoir été facturés alors qu’ils n’avaient pas activé Uber One, voire même sans disposer d’un compte actif sur la plateforme.
- Pire : certaines personnes ayant activé une période d’essai gratuite ont vu leur carte débitée avant même la fin de cette période.
Mais c’est la procédure de désabonnement qui cristallise la colère des régulateurs. La plainte décrit un parcours digne d’un jeu vidéo, avec jusqu’à 23 écrans à franchir et 32 actions différentes avant de pouvoir désactiver son abonnement. À chaque étape, Uber invite à suspendre l’abonnement au lieu de l’annuler, offre des promotions, ou exige un motif de résiliation. Certains consommateurs n’ont tout simplement aucun moyen de contacter le service client, ou reçoivent une confirmation de désinscription suivie... d’un nouveau prélèvement.
Un fondement juridique solide et un signal fort envoyé à l’industrie
La FTC estime que ces pratiques constituent :
- Une violation du FTC Act, interdisant les pratiques commerciales trompeuses ou injustes ;
- Une infraction au ROSCA, qui impose la transparence des conditions, l’obtention d’un consentement explicite et la possibilité simple de résilier en ligne tout abonnement renouvelable.
La plainte demande :
- Une injonction permanente pour faire cesser ces pratiques ;
- Des dédommagements financiers pour les utilisateurs lésés ;
- Une sanction monétaire dissuasive.
« Les Américains en ont assez d’être inscrits à des abonnements non désirés qu’il semble impossible d’annuler. [...] Uber a non seulement trompé les consommateurs sur leurs abonnements, mais a aussi rendu l’annulation volontairement difficile », écrit Andrew N. Ferguson, président de la FTC.
Bourse : l’action Uber dévisse après l’annonce
Les conséquences ne se sont pas fait attendre sur les marchés financiers. Le jour même de l’annonce, le titre Uber a chuté de 3,9 % à la Bourse de New York, s’établissant à 72,28 dollars (environ 68,10 euros), selon Reuters. Ce recul intervient alors que le groupe doit publier ses résultats du premier trimestre 2025 le 7 mai 2025. Cette affaire pourrait écorner davantage la réputation de l’entreprise, déjà critiquée pour ses pratiques managériales et ses stratégies de croissance jugées agressives.
Dans une déclaration transmise à plusieurs médias, dont BFMTV, un représentant d’Uber a déclaré : « Nous sommes déçus que la FTC ait choisi cette voie. Mais nous sommes convaincus que les tribunaux confirmeront ce que nous savons : les processus d’inscription et de désinscription à Uber One sont clairs, simples et conformes à la loi. » La société affirme par ailleurs que “la majorité des utilisateurs résilient leur abonnement en moins de 20 secondes”, une affirmation jugée peu crédible au regard des preuves détaillées fournies par la FTC dans son dossier de plainte.
Un précédent pour l’économie de l’abonnement
L’affaire pourrait faire jurisprudence. De nombreuses plateformes numériques — streaming, VOD, livraison, sport en ligne — recourent à des interfaces qualifiées de “dark patterns”, destinées à inhiber la volonté de l’utilisateur de se désabonner. Ces pratiques sont dans le collimateur des autorités de régulation à travers le monde. Le procès est encore en phase préliminaire, et aucune audience n’a été annoncée pour l’instant.
L’issue pourrait aboutir à une refonte des pratiques de facturation d’Uber, voire à une amende majeure. D’autres agences pourraient s’en inspirer, aux États-Unis comme à l’international, pour réguler plus strictement les plateformes numériques abusant des abonnements récurrents.