Et si les tickets-restaurant devenaient le pilier d’une politique alimentaire réinventée ? Sous l’apparente technicité d’une proposition de loi se cache un affrontement discret entre intérêts privés et ambition sociale.
Tickets-restaurant : la proposition explosive d’un député écologiste

Le 13 mai 2025, le député Boris Tavernier a déposé une proposition de loi visant à bouleverser en profondeur l’organisation des tickets-restaurant. Son modèle ? Celui des chèques-vacances gérés par l’ANCV. L’objectif ? Substituer à un marché lucratif dominé par des émetteurs privés un service public au service de l’alimentation durable. Une ambition qui s’inscrit dans un contexte où la lutte contre la précarité alimentaire est devenue centrale dans le débat politique.
Tickets-restaurant : vers une gestion publique calquée sur les chèques-vacances ?
Fin des abus en supermarché : la dérogation 2026 comme ligne de faille
L’un des points les plus sensibles concerne l’usage élargi des titres-restaurant dans les grandes surfaces. Depuis la pandémie, une dérogation exceptionnelle autorise l’achat de produits alimentaires, même non transformés, avec ces titres. Cette mesure, qui devait expirer fin 2023, a été prolongée par la loi du 21 janvier 2025 jusqu’au 31 décembre 2026.
Mais cette extension ne satisfait personne. Le rapport du Sénat n°182 pointe des dérives dans l’utilisation de ces titres en dehors du réseau de restauration conventionné. Il appelle à une clarification et à un recentrage.
La proposition de Boris Tavernier prévoit donc un cadrage strict : seuls les commerçants signataires d’une convention avec l’ANTR pourraient accepter ces titres. Produits concernés, critères de durabilité, encadrement des prix… tout serait balisé. Objectif affiché : favoriser les circuits courts, l’agriculture locale, et l’accessibilité des produits de qualité.
Un outil pour l’alimentation durable et contre la précarité alimentaire
Aujourd’hui, les tickets-restaurant sont utilisés par près de 5 millions de salariés. Mais leur efficacité sociale est mise en doute. Comme le rappelle Les Échos, plus de 2,5 millions de personnes en emploi se trouvent en situation de précarité alimentaire.
En redéfinissant les règles, la réforme veut faire de ce dispositif un véritable levier d’accès à une alimentation saine. L’ANTR serait chargée de conventionner les établissements, d’imposer une grille nationale de commissions plafonnées, et d’assurer un remboursement plus rapide aux commerçants.
« Il faut sortir les titres-restaurant de la logique de rente », insiste Boris Tavernier dans les colonnes de Merci Pour l’Info. Une déclaration qui souligne une volonté claire : transformer cet outil de consommation en instrument de politique publique.
Une réforme détonante face à des lobbies bien en place
À l’Assemblée comme au Sénat, les discussions s’annoncent intenses. Le calendrier est serré : la loi sur la prolongation de la dérogation court jusqu’à fin 2026, et la réforme viserait une mise en œuvre dès le 1er janvier 2027. En coulisses, les émetteurs historiques mobilisent leurs réseaux pour freiner la création de l’ANTR.
De leur côté, les restaurateurs dénoncent depuis des années les frais excessifs et les retards de remboursement. Certains syndicats professionnels, longtemps silencieux, voient d’un bon œil cette recentralisation, à condition que la nouvelle agence respecte la réalité économique du terrain.
Un titre qui vaut bien plus que sa valeur faciale
Derrière ce petit bout de papier, c’est une certaine idée de la solidarité qui se joue. La proposition de loi déposée par Boris Tavernier ne se contente pas de réorganiser un système. Elle interroge : à quoi sert un titre-restaurant ? À nourrir les marges des intermédiaires, ou à garantir une alimentation digne à chacun ?
Réponse attendue dès septembre 2025 en commission des affaires sociales.