Tesla avait promis un virage historique avec sa voiture électrique à 25 000 dollars. Mais entre revirements, démentis et tensions internes, le rêve d’un modèle électrique populaire semble avoir été remisé au placard. Qu’est-il vraiment arrivé à la tant attendue Model 2 ?
Model 2 : pourquoi la Tesla à 25.000 euros ne verra jamais le jour

Le 5 avril 2024, la presse spécialisée dévoilait une information qui allait provoquer un séisme dans l’univers de la voiture électrique : Tesla aurait abandonné son projet de Model 2, censée révolutionner le secteur avec un prix plancher de 25 000 dollars. Alors que ce modèle incarnait la promesse phare d’Elon Musk, l’entrepreneur s’est empressé de nier l’information sur les réseaux sociaux. Pourtant, une enquête approfondie révèle aujourd’hui une toute autre réalité.
Elon Musk face à ses contradictions : la Tesla Model 2 a bien été enterrée en interne
À la lecture de ses déclarations, difficile de suivre Elon Musk sans vaciller. Le 5 avril 2024, à peine quelques minutes après la parution d’une enquête de Reuters, il poste un laconique « Reuters ment » sur X. Une manœuvre qui permet à l’action Tesla de limiter la casse en Bourse, alors qu’elle chutait de 6 % après l’annonce de l’abandon de la Model 2.
Pourtant, selon trois sources internes citées par l’agence et désormais corroborées par de nouveaux documents, la décision de tuer le projet avait été prise en interne plusieurs semaines auparavant. L’objectif ? Abandonner l'idée d’un véhicule à bas prix pour concentrer les ressources sur un robotaxi autonome, la nouvelle lubie du patron de Tesla.
Face au déni public de Musk, plusieurs cadres supérieurs de l’entreprise ont demandé des explications. Pensait-il ressusciter le projet ? Avait-il changé d’avis ? La réponse fut claire : « le projet est mort ». Derrière cette affirmation, c’est un pilier de la stratégie annoncée depuis 2018 qui vacille.
Stratégie en déroute : du modèle abordable au mirage du robotaxi
La Model 2 devait incarner un tournant : une voiture électrique accessible au plus grand nombre, promise dès 2018 par Musk dans une interview avec le vidéaste Marques Brownlee. Il affirmait alors : « Une voiture à 25.000 dollars, c’est quelque chose que nous pouvons faire ». Deux ans plus tard, lors du Battery Day 2020, il allait plus loin en annonçant un objectif de 20 millions d’unités produites par an, soit le double des volumes de Toyota ou Volkswagen.
Mais cette promesse s’est transformée en pur et simple mensonge. Désormais, la priorité est donnée au développement d’un robotaxi autonome, présenté comme la clé de l’avenir automobile. Musk a annoncé à la hâte une présentation le 8 août 2024, repoussée ensuite à octobre. Le prototype dévoilé, un certain « Cybercab » à deux portes, a laissé les investisseurs de marbre.
Dans cette bascule, la Model 2 est devenue un fantôme dans la communication de Tesla : ni officiellement annulée, ni confirmée, toujours évoquée comme un horizon flou dans des documents internes. Pourtant, le projet original, fondé sur une plateforme entièrement nouvelle, a bien été écarté au profit de versions simplifiées des Model 3 et Model Y. Selon Lars Moravy, directeur de l’ingénierie chez Tesla cité par Reuters, ces nouveaux véhicules « ressembleront dans leur forme aux voitures que nous fabriquons déjà ». Et de conclure : « la clé est qu’ils seront abordable, et que vous pourrez en acheter un ».
Une gestion opaque qui inquiète jusque dans les rangs de Tesla
Les dernières révélations de Reuters vont plus loin encore. En interne, plusieurs dirigeants ont exprimé leur malaise face au démenti public de Musk, jugeant que celui-ci risquait de tromper les investisseurs et d’enfreindre les règles de la Securities and Exchange Commission (SEC). Le souvenir du scandale de 2018 — où Musk avait été sanctionné pour avoir annoncé, à tort, vouloir retirer Tesla de la cote — reste vivace. Il avait alors dû verser 40 millions de dollars d’amende et faire superviser ses publications financières par un avocat, rappelle Reuters.
Mais selon plusieurs témoignages, Musk refuse de se plier à cet encadrement, considérant ne publier « rien qui nécessite l’approbation d’un juriste ». Une posture risquée, dans un contexte où l’avenir du modèle à 25 000 dollars avait déjà été intégré aux prévisions boursières de nombreux analystes. Le fait de l’annuler mais de mentir sur cette annulation risque d’être très mal perçu en Bourse.
Le prix de l’abandon : chute des ventes, montée en puissance des rivaux
En parallèle de cette stratégie nébuleuse, les résultats commerciaux de Tesla s’effondrent. En 2024, la marque a enregistré sa première baisse annuelle de ventes, suivie d’un recul de 13 % au premier trimestre 2025. Face à elle, BYD, le constructeur chinois, a pris l’avantage en Europe et devient un leader mondial sur le segment des voitures électriques économiques. Tesla souffre désormais d’une image dégradée, avec un patron qui a fait un salut Nazi et a soutenu Donald Trump corps et âme (jusqu’à la rupture fin mai 2025).
Le modèle Seagull de BYD, vendu moins de 10 000 dollars en Chine et proposé à des tarifs compétitifs à l’export, s’impose là où la Model 2 était attendue. Pendant que Tesla misait sur son controversé Cybertruck, la concurrence s’attaquait au vrai nerf de la guerre : l’accessibilité.
Même les investisseurs s’inquiètent. Gary Black, de Future Fund LLC, a liquidé 1,2 million de dollars d’actions Tesla, estimant que l’entreprise ne proposerait jamais de produit vraiment différencié à bas coût. Selon lui, tout indique que les futurs modèles « seront de simples déclinaisons dégradées du Model Y ».
Au lieu d’un modèle emblématique à 25 000 dollars, Tesla propose aujourd’hui… rien du tout de similaire. La Model 2, emblème de la démocratisation des véhicules électriques, n’existe plus que dans les souvenirs de conférences de presse et les espoirs déçus des fans de la marque. Officiellement, elle n’a jamais été abandonnée. Mais officieusement, elle a bel et bien été sacrifiée.