La célèbre application Telegram menace de quitter la France ! La ligne rouge ? Une exigence des autorités françaises : un accès aux messages privés. Pour Pavel Durov, c’est non négociable. Et ça pourrait changer la donne à l’échelle européenne.
Telegram menace de quitter la France pour protéger votre vie privée

En France, l’idée d’ouvrir une brèche dans le chiffrement des messageries revient sur la table. Mais Telegram, pilier de la confidentialité numérique, ne compte pas plier. Quitte à faire ses valises.
La réponse de Telegram : claire, sèche, radicale
Vendredi 18 avril 2025, sur BFMTV-RMC, Laurent Nuñez balance sans détour : les autorités doivent pouvoir lire les messages échangés sur des messageries comme Telegram. Motif : lutte contre les trafics. La plateforme est dans le viseur depuis que des attaques de prisons ont été coordonnées via un groupe nommé DDPF. Le préfet de police réclame une "porte dérobée", un accès secret, invisible, que seuls les enquêteurs pourraient utiliser. En théorie.
Mais en pratique ? C’est tout sauf anodin. Telegram fournit déjà les IP et numéros de téléphone quand la justice le demande. Ce qu’elle ne donne pas, jamais, c’est le contenu des messages. Et pour cause : ils sont chiffrés de bout en bout. Seuls l’émetteur et le destinataire peuvent les lire.
Face à cette pression, le patron de Telegram, Pavel Durov, ne tergiverse pas. Dans une déclaration postée sur X, il lâche : « Telegram préfère quitter un marché plutôt que saper le chiffrement avec des portes dérobées et violer des droits humains de base ». Il insiste : « Le chiffrage n’est pas conçu pour protéger les criminels ». Son raisonnement est limpide. Si une faille existe, elle pourra être exploitée par tout le monde : hackers, États étrangers, cybercriminels. Pas seulement la police.
Et techniquement, impossible de créer une porte qui ne s’ouvre qu’aux "gentils". Une fois l’accès installé, plus personne n’est à l’abri. Les utilisateurs lambda deviennent vulnérables. Résultat ? Toute la promesse de Telegram aux utilisateurs, la confidentialité, la sécurité et la confiance, s’effondre.
Une fausse bonne idée pour traquer les criminels ?
Durov va plus loin. Il démonte l’argument sécuritaire. À quoi bon ouvrir une brèche si les criminels, eux, filent ailleurs ? « Même si les applications chiffrées grand public avaient été affaiblies par une porte dérobée, les criminels auraient pu communiquer en toute sécurité via des dizaines d’applications plus petites, et devenir encore plus difficiles à localiser grâce aux VPN », écrit-il.
Autrement dit : cette mesure serait inefficace contre ceux qu’elle vise, mais dangereuse pour tous les autres. C’est l’effet boomerang. On fragilise la sécurité collective, sans gain réel sur le terrain.
Pour rappel, en août 2024, Pavel Durov a été arrêté en France dans le cadre d’une enquête liée à des usages illégaux de sa plateforme. Son contrôle judiciaire a été levé fin mars 2025, ce qui lui a permis de quitter le territoire.
Ce bras de fer dépasse la France. En mars 2025, un amendement de la loi "Narcotrafic" prévoyait justement d’imposer ces fameuses "backdoors" aux messageries comme WhatsApp, Signal ou Telegram. Adopté au Sénat, il a été rejeté à l’Assemblée. Telegram a salué ce rejet comme une victoire des libertés : « Les députés ont eu raison de rejeter une loi qui aurait fait de la France le premier pays au monde à priver ses citoyens de leur droit à la vie privée ».
Mais l’Union européenne n’a pas dit son dernier mot. Le 1er avril 2025, elle a présenté une feuille de route pour 2026 : trouver une solution technologique pour permettre l’accès légal aux messages chiffrés, au nom de la sécurité publique.
Alors Telegram bluffe-t-il ? Peut-être pas. L’application revendique 800 millions d’utilisateurs. Elle n’a rien d’une appli marginale. Et si elle décide de se retirer d’un pays, ce serait un signal fort. Un cas d’école. Une ligne de front.