Transport : le gouvernement veut (encore plus) taxer les billets de train

Le rail français au cœur d’un dilemme budgétaire. Alors que les ambitions de modernisation s’affichent haut et fort, une nouvelle piste fiscale vient diviser les décideurs, suscitant l’indignation des usagers et l’embarras des experts. Derrière les arbitrages encore en suspens, un vieux débat refait surface : qui doit vraiment payer pour sauver le rail ?

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 4 juin 2025 6h00
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taxe-train-sncf-hausse-prix-billet - © Economie Matin
50%Plus de 50 % du prix du billet vont donc aux infrastructures et à l’État.

Train : une nouvelle taxe ferroviaire dans les cartons depuis le 3 juin 2025

La date du 3 juin 2025 a marqué une nouvelle étape dans le long feuilleton du financement du réseau ferré. Ce jour-là, la presse a révélé qu’une taxe sur les billets de train était officiellement envisagée par un groupe de travail gouvernemental. L’objectif ? Financer la rénovation urgente du rail français, avec une recette espérée de 800 millions d’euros par an.

Cette mesure s’inscrit dans la conférence nationale « Ambition France Transports », initiée par le ministère de la Transition écologique au printemps. Il y est question d’un prélèvement uniforme d’un euro par billet, applicable à tous les trajets, qu’il s’agisse de TGV, de TER ou d’Intercités. Le dispositif serait « provisoire » — encore un mot qui fleure bon la promesse sans échéance — et réexaminé tous les six mois.

Mais pour qui connaît la comptabilité publique, les dispositifs provisoires ont souvent la longévité des taxes éternelles. Surtout lorsqu’un gouffre budgétaire de 1,5 milliard d’euros annuels sépare les ambitions de l’État des capacités de la SNCF à entretenir ses infrastructures, comme l’a rappelé Jean-Pierre Farandou, PDG du groupe ferroviaire, dans une déclaration relayée par BFM TV : « Il manque 1,5 milliard d’euros chaque année pour entretenir correctement le réseau. »

Train : une taxe de plus pour des voyageurs déjà saignés à blanc

L’annonce a suscité une levée de boucliers immédiate. Les défenseurs des usagers du rail ne décolèrent pas. En tête de file, François Delétraz, président de la FNAUT (Fédération nationale des associations d’usagers des transports), a dénoncé une mesure injuste et absurde dans Ville Rail & Transports : « Le voyageur français est celui qui participe déjà le plus au financement du réseau pour combler la carence de l'État. »

Et il enfonce le clou avec des chiffres à l’appui : sur un billet de 100 euros, le client verse déjà 40 euros en péages d’accès, 10 euros de TVA, et contribue indirectement à un fonds de concours. Conclusion lapidaire : « Plus de 50 % du prix du billet vont donc aux infrastructures et à l’État. »

Autrement dit, demander encore un euro de plus sur chaque trajet relève, selon lui, d’un non-sens fiscal, voire d’un cynisme à peine voilé. Que dire d’un TER à un euro qui se verrait grevé… d’une taxe d’un euro ? L’ironie n’échappe à personne.

Une taxe symptomatique d’un système sans vision

Au-delà de la mesure elle-même, c’est l’absence de réflexion structurelle qui inquiète les acteurs du secteur. La proposition est issue d’un groupe de travail conduit notamment par Gilles Savary, ancien député, aujourd’hui membre de la conférence sur les transports. Dans Marianne, il temporise : « Ce n’est pas sûr du tout qu’elle prospère. »

Mais l’ambiguïté demeure. La taxe a bel et bien été formulée, débattue et désormais intégrée aux documents de travail. Son adoption dépendra d’un arbitrage gouvernemental attendu mi-juillet 2025, sous l’égide de Matignon.

Pendant ce temps, d’autres options sont écartées sans ménagement : l’idée d’une écotaxe sur les camions étrangers, à l’instar de l’Allemagne, reste dans les cartons ; les recettes autoroutières sont jugées politiquement sensibles ; et la remise en cause des avantages fiscaux dont bénéficie le secteur aérien n’est même pas évoquée.

Nouvelle taxe sur les billets de train : un coût social et écologique sous-estimé

L’argument écologique, pourtant brandi par les ministres, se retourne ici contre la logique du projet. Taxer les usagers du train, alors que ce mode de transport est l’un des moins polluants, revient à affaiblir la cohérence du discours sur la transition écologique.

Le rapport budgétaire de l’Assemblée nationale, consulté par Les Échos, évoque certes la possibilité d’une « contribution temporaire des usagers », mais souligne l’urgence de trouver des ressources pérennes pour la modernisation du réseau ferré. Les 4000 kilomètres de lignes menacées de dégradation d’ici 2028 rappellent à quel point le système est à bout de souffle.

Et pendant que les gouvernements tergiversent, les chiffres continuent de grimper : +5 % sur les tarifs en 2023, +2,6 % en 2024, et déjà +1,5 % en 2025. La progression du trafic ne faiblit pas (126 millions de passagers en TGV l’an dernier), mais l’effort est porté à bout de bras par des voyageurs de moins en moins enclins à accepter d’être une variable d’ajustement fiscal.

Sans réforme d’ampleur, la taxe pourrait bien dérailler

Faut-il rappeler que la dernière tentative de taxe ciblée sur les mobilités longues — la défunte écotaxe — a fini dans les gravats politiques de 2013 ? Aujourd’hui encore, les pistes alternatives sont connues : fiscalité sur les poids lourds en transit, fléchage des recettes autoroutières, rétablissement d’un financement national dédié aux transports publics. Mais le courage politique semble être resté à quai.

En attendant, la taxe ferroviaire continue d’avancer, sans billet retour. Si elle entre en vigueur — même sous une forme édulcorée — elle risque de cristalliser un nouveau front de contestation. Car dans ce dossier, une chose est sûre : les usagers ne veulent plus être le guichet unique de la SNCF.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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