Un contrat de 235 milliards de dollars américains pour des sous-marins nucléaires, trois grandes puissances engagées, une rupture brutale avec la France… et un immense doute aujourd’hui. Derrière le silence diplomatique, les signaux d’alarme s’accumulent.
Sous-marins nucléaires australiens : les USA sur le point de retourner leur veste

À Canberra, certains commencent à regretter d’avoir tourné le dos à Paris. Et ce n’est plus un simple murmure.
Aukus : le Pentagone s’interroge, l’Australie s’inquiète
Depuis le 11 juin 2025, l’alliance Aukus (Australie, Royaume-Uni, États-Unis) vacille. Le Pentagone a confirmé le lancement d’un réexamen complet de l’accord signé en 2021. Officiellement, il s’agit d’un simple audit, demandé par l’administration Trump, pour vérifier l’alignement du pacte avec la doctrine « America First ». Mais dans les faits, l’enjeu est tout autre : faut-il, oui ou non, poursuivre la fourniture de sous-marins nucléaires à Canberra ?
L’audit est dirigé par Elbridge Colby, sous-secrétaire à la Défense, un homme hostile de longue date à l’idée de diluer la puissance navale américaine. Dans ses mots : « Il serait fou pour les États-Unis d’avoir moins de sous-marins d’attaque nucléaires si un conflit éclatait autour de Taïwan ». Ce scepticisme alimente les pires scénarios du côté australien, même si le ministre de la Défense, Richard Marles, tente de rassurer. « Ce n’est pas une surprise », a-t-il déclaré sur ABC, le 12 juin 2025.
À ce jour, le contrat Aukus prévoit la livraison à l’Australie de trois sous-marins nucléaires de classe Virginia à partir de 2032, puis la construction conjointe de cinq unités supplémentaires avec le Royaume-Uni dans les années 2040. Montant total de l’opération : environ 204 milliards d’euros.
Mais ce plan repose sur une base industrielle américaine à bout de souffle. Selon les données du Congrès américain, les chantiers navals ne produisent actuellement qu’un sous-marin Virginia par an, alors qu’il en faudrait plus du double pour satisfaire les besoins de la marine américaine. Résultat : un retard chronique, couplé à une priorité nationale réaffirmée par Trump.
Malcolm Turnbull, ancien Premier ministre australien de 2015 à 2018 et signataire du contrat initial avec la France, a prévenu sur le blog Substack : « Ces sous-marins sont les éléments les plus précieux de la flotte américaine. Un président ne les cédera pas si le risque chinois s’intensifie ».
Retour de flamme : la France remise dans la course des sous-marins australiens ?
En 2021, l’Australie a brutalement mis fin à son contrat avec Naval Group pour 12 sous-marins conventionnels, d’une valeur de 56 milliards d’euros, au profit de la promesse d’un arsenal nucléaire américain. Mais quatre ans plus tard, aucun sous-marin n’a été livré, et les doutes s’accumulent sur la faisabilité du calendrier.
Les retards américains, l’exigence d’augmenter les dépenses militaires à 3,5 % du PIB (contre 2 % aujourd’hui) et le flou politique à Washington obligent Canberra à envisager tous les scénarios. Un retour vers la France ? Hypothèse encore marginale mais plus aussi inconcevable qu’en 2021. D’autant que les sous-marins Barracuda français, déjà en service, pourraient fournir une solution de rechange crédible, maîtrisée, et surtout disponible.
L’annulation du contrat français n’a pas seulement eu un coût financier. Elle a aussi fragilisé l’image de l’Australie. Aujourd’hui, elle se retrouve liée à un accord où la dépendance vis-à-vis des États-Unis est totale, et où chaque revirement de Washington remet en cause sa souveraineté navale.
Selon John Lee, analyste à l’Institut Hudson, « si l’Australie continue de plafonner à 2 % du PIB pour sa défense, le premier pilier d’Aukus — les sous-marins — risque d’être gelé ou supprimé ». En clair : sans effort budgétaire conséquent, Canberra pourrait tout perdre.
Le Premier ministre australien, Anthony Albanese, rencontrera Donald Trump pour la première fois en marge du prochain sommet du G7, prévu la semaine prochaine.