Sommet sur les océans : le traité sur la haute mer ratifié, les ONG restent prudentes

Du 9 au 13 juin 2025, la ville de Nice a accueilli le quatrième Sommet des Nations unies sur les océans (UNOC), rassemblant plus de soixante dirigeants sur les rives azuréennes. L’objectif affiché ? Sceller un pacte mondial pour la sauvegarde des espaces maritimes au-delà des juridictions nationales. Si la ratification du traité sur la haute mer fut célébrée comme une avancée majeure, d’autres volets du sommet ont laissé planer un parfum d’occasion manquée.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 18 juin 2025 14h30
Sommet de Nice : le traité sur la haute mer ratifié, les ONG restent prudentes
Sommet sur les océans : le traité sur la haute mer ratifié, les ONG restent prudentes - © Economie Matin

Une avancée historique : ratification du traité sur la haute mer

La séquence phare du sommet a été la ratification par cinquante pays du traité de protection de la haute mer, ces zones au-delà des 200 milles nautiques, soit environ 370 kilomètres des côtes. Ce texte, adopté à New York en 2023 mais encore en attente d’entrée en vigueur, exige soixante ratifications pour être opérationnel. À Nice, l'élan fut notable, sans atteindre toutefois ce seuil critique. Pour Rebecca Hubbard, représentante de la coalition d’ONG High Seas Alliance, c’est « un progrès incroyable ».

Avant d'ajouter dans des propos rapportés par BFMTV : « Nous devons garder le pied sur l’accélérateur ». Le directeur de la Fondation Tara Océan, Romain Troublé, s’est félicité d’« une mobilisation démente », tout en concédant que l’objectif voulu par Emmanuel Macron n’avait pas été atteint. François Chartier de Greenpeace a estimé de son côté qu’« a priori, le traité va être finalisé avant la fin de l’année et on va pouvoir travailler sur les premières aires marines protégées en haute mer ». Reste que ces promesses attendent toujours leur traduction concrète.

Un manque de moyens : financement public timide et privé absent

C’est l’angle mort de cette grand-messe diplomatique. Le Costa Rica avait évoqué, en amont de la conférence, un plan de financement à hauteur de 100 milliards de dollars. À l’arrivée ? Rien. Pas un euro nouveau, pas même un engagement chiffré. Selon un rapport du Forum économique mondial publié en 2022, il faudrait injecter chaque année 175 milliards de dollars, soit 153 milliards d’euros, pour espérer atteindre les objectifs de développement durable liés à l’océan d’ici à 2030.

Une ambition qui semble aujourd’hui largement hors de portée. Aucun mécanisme contraignant n’a émergé du sommet pour mobiliser le capital privé, ni pour structurer les contributions publiques. Les ONG, en particulier WWF et Oceana, ont dénoncé ce vide financier qui fragilise toute la mécanique mise en place.

Des reculs inquiétants : chalutage, énergies fossiles, exploitation minière

Le contraste est frappant entre le ton offensif adopté par certains dirigeants et la timidité des décisions prises. Emmanuel Macron n’a pas mâché ses mots à propos des projets miniers en haute mer : « Les abysses ne sont pas à vendre », dénonçant une « folie » et une « action économique prédatrice ». Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies, a, lui, mis en garde contre un nouveau « Far West » des fonds marins. Pourtant, l’appel à un moratoire international sur l’exploitation minière des grands fonds n’a rallié que cinq États supplémentaires, portant la coalition de 32 à 37 pays sur les 169 membres de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM). Une progression marginale au regard des enjeux.

Le traitement des énergies fossiles a lui aussi suscité l’incompréhension. La déclaration finale du sommet n’évoque ni gaz, ni pétrole, ni charbon. Elle se contente d’évoquer les « effets néfastes du changement climatique » sur les océans. Ralph Regenvanu, ministre de l’Environnement du Vanuatu, n’a pas mâché ses mots : « C’est la principale cause de la détérioration des océans, et nous n’en parlons pas assez, c’est regrettable ».

Aires marines protégées, promesses et limites nationales

L’autre chantier évoqué avec enthousiasme concerne la multiplication des aires marines protégées (AMP). De la Grèce à la Polynésie, en passant par le Portugal et les Samoa, plusieurs pays ont annoncé de nouveaux périmètres ou le renforcement des dispositifs existants. L’objectif ? Dépasser les 10 % de surface marine protégée à l’échelle mondiale, contre 8,34 % avant le sommet.

Mais ici encore, les chiffres révèlent des écarts criants. La France, par exemple, n’a imposé le chalutage interdit que sur 4 % de ses eaux, un niveau jugé insuffisant par l’ensemble des organisations de défense de l’environnement. Dans un contexte où l’Europe multiplie les exemptions au nom de la compétitivité de la pêche industrielle, cette frilosité interroge.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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