À l’antenne de BFMTV le 22 mai, le président-directeur général de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, a remis une pièce dans la machine d’un vieux débat qui enflamme régulièrement les couloirs du pouvoir. Faut-il ressusciter l’écotaxe sur les poids lourds pour financer un réseau ferroviaire à bout de souffle ? La question n’est plus théorique. Il y a urgence. Et la SNCF, elle, n’a plus le luxe d’attendre.
La SNCF réclame une taxe sur les camions face à l’urgence ferroviaire

SNCF : Jean-Pierre Farandou cible les camions pour colmater les failles du réseau
À quelques semaines de son départ, Jean-Pierre Farandou a choisi de livrer un dernier combat : sauver les lignes ferroviaires hors TGV, rongées par le sous-investissement chronique. Pour y parvenir, il lui manque un milliard d’euros par an. Une paille, peut-être, pour certains budgets publics. Une faille béante pour le rail.
« Il faut prendre les décisions maintenant, on est à un moment critique. Si on ne le fait pas, c’est la spirale négative avec 4 000 kilomètres de lignes abîmées dès 2028, 10 000 en 2032. Cela veut dire des pannes, des retards, des ralentissements, c’est un cercle vicieux », a-t-il averti sans détour sur BFMTV. Parmi les leviers évoqués : ponctionner une partie des revenus générés par les concessions autoroutières, environ 13 milliards d’euros annuels, et surtout taxer les poids lourds en transit, à l’image du dispositif allemand rapportant 8 milliards d’euros chaque année.
Taxer les poids lourds : une vieille idée, un nouveau choc
Ce n’est pas la première fois que la SNCF revient à la charge avec cette mesure. Et ce n’est pas la première fois qu’elle provoque une levée de boucliers. Pour Jean-Pierre Farandou, l’argument est limpide sur BFMTV : « La France est un grand pays de transit. Ces camions nous traversent sans faire le plein chez nous. On a que les nuisances : ils polluent, ils défoncent les routes, on n’a que les nuisances, pas les gains. Il n’est pas anormal que lorsqu’on pollue, on finance le monde non polluant qu’est le ferroviaire ».
Mais du côté des transporteurs, la pilule ne passe pas. Trois fédérations majeures (FNTR, OTRE et Union TLF) ont dénoncé une initiative jugée injuste, inefficace et juridiquement bancale. Elles rappellent que le secteur routier supporte déjà une fiscalité spécifique de plus de 4 milliards d’euros par an, sans compter la surtaxe de 4 centimes par litre de gazole introduite après l’abandon de l’écotaxe en 2014. « Le développement du fret ferroviaire ne se fera pas contre le transport routier, mais avec lui », ont-elles martelé dans un communiqué commun intitulé "Financer le rail sur le dos des transporteurs routiers : une ligne rouge pour un secteur déjà exsangue".
Autoroutes et écotaxe : l’heure du bilan pour Bercy
Le vrai nœud de l’affaire est peut-être ailleurs. Le ministère de l’Économie, qui doit arbitrer. La conférence « Ambition France Transports », lancée début mai, planche justement sur un nouveau cadre financier pour les transports publics à horizon 2040. Mais comment trouver de nouvelles ressources sans creuser le déficit ni pénaliser davantage les acteurs économiques ?
Jean-Pierre Farandou, lui, plaide aussi pour mobiliser des recettes issues du marché du carbone européen (ETS) ou des certificats d’économie d’énergie (CEE). Selon des projections, la réforme de l’ETS pourrait générer jusqu’à 5 milliards d’euros pour la France à partir de 2027, encore faut-il les flécher vers les bonnes infrastructures. Le temps presse. Les concessions autoroutières arrivent à échéance entre 2031 et 2036. L’occasion idéale, selon la SNCF, de réécrire les règles du jeu. Encore faut-il que l’État veuille vraiment en changer.