Indexia (ex-SFAM): l’UFC attaque à nouveau l’assureur

Prélèvements obscurs, plaintes en cascade, responsables invisibles. Une histoire que l’on croyait enterrée refait surface, plus tentaculaire que jamais. Et si le dernier mot n’avait pas encore été dit dans le feuilleton SFAM ?

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 6 mai 2025 8h39
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Indexia (ex-SFAM): l’UFC attaque à nouveau l’assureur - © Economie Matin
1 MILLIARD €Le groupe SFAM était valorisé près d'un milliard d'euros en 2021.

Le 6 mai 2025, l’UFC-Que Choisir a annoncé de nouvelles actions en justice contre le groupe SFAM (Société française d’assurances multirisques), rebaptisé Indexia. Cette annonce fait suite à une série de condamnations prononcées fin 2024 pour pratiques commerciales trompeuses. Le scandale SFAM, qui a éclaté publiquement en 2019, semble loin d’avoir livré tous ses secrets.

SFAM : du scandale initial aux condamnations judiciaires

La SFAM, spécialisée dans l’assurance de produits multimédia, avait bâti son empire sur une stratégie commerciale agressive et opaque. Dès 2018, l’UFC-Que Choisir alertait sur des prélèvements non autorisés, des contrats souscrits à l’insu des consommateurs, et un système de résiliation kafkaïen. Ce n’était que le début.

Le 17 décembre 2024, après plusieurs années d’instruction, le tribunal correctionnel de Paris a enfin tranché : les sociétés SFAM, FORIOU, HUBSIDE, SERENA (A.M.P), CYRANA et SFK Group, ainsi que leur dirigeant Sadri Fegaier, ont été condamnés pour pratiques commerciales trompeuses commises entre 2017 et 2024.

Mais ce jugement, pourtant sévère, n’effleurait qu’un pan du dossier. Il ne concernait que les pratiques relatives au traitement des réclamations, telles que les résiliations ignorées ou les demandes de remboursement délibérément négligées. Or, d’autres méthodes bien plus graves avaient cours en parallèle.

Nouvelles accusations contre SFAM : l'UFC-Que Choisir passe à l’offensive

L’affaire aurait pu s’arrêter là. C’était sans compter les signalements massifs de nouveaux prélèvements abusifs, qui ont continué d’affluer en 2025, parfois longtemps après la rupture officielle entre les clients et la société.

Face à cette persistance des abus, l’UFC-Que Choisir a décidé de déposer une nouvelle plainte au parquet de Paris, invoquant cette fois des infractions autrement plus lourdes :

  • Escroquerie : des manœuvres frauduleuses répétées pour ponctionner les comptes bancaires.
  • Faux et usage de faux : des falsifications de signatures, de contrats, voire de mandats SEPA.
  • Abus de confiance : l’utilisation dévoyée des autorisations de prélèvement consenties initialement.
  • Traitement illicite de données personnelles : des transmissions non autorisées d’informations bancaires à des tiers.
  • Association de malfaiteurs : une organisation systémique et coordonnée impliquant plusieurs entités extérieures au groupe INDEXIA.

Selon l’UFC-Que Choisir, ces pratiques sont massives, organisées, systémiques, et s’inscrivent dans une logique frauduleuse institutionnalisée. « Il est temps, à la faveur de l’enquête et des poursuites sollicitées par le biais de cette plainte, que les consommateurs soient réellement et pleinement placés en mesure de faire valoir leur droit à réparation dans le cadre de ce scandale hors norme dont les effets perdurent », affirme l’association dans son communiqué officiel.

La liquidation judiciaire de SFAM change-t-elle la donne pour les victimes ?

Le 24 avril 2024, le tribunal de commerce de Paris prononçait la liquidation judiciaire de la SFAM, après une saisine de l’Urssaf pour plusieurs millions d’euros d’arriérés. Dès lors, la société n’est plus autorisée à prélever ou commercialiser. Deux mandataires ont été désignés pour gérer l’inventaire des actifs et organiser les indemnisations potentielles.

Mais la réalité est cruelle : les consommateurs sont les derniers servis, après le Trésor public, les salariés et les frais de procédure. Autant dire qu’espérer un remboursement relève de l’illusion, comme le souligne Cyril Brosset dans son enquête du 25 avril 2024 : « Les consommateurs n’obtiendront donc un remboursement, par ce biais, que s’il reste de l’argent à l’issue de la procédure de liquidation, ce qui a peu de chances de se produire. »

Un site a été ouvert pour déclarer les créances : www.sfam-lj.fr, mais à l’évidence, la bataille judiciaire est loin d’être gagnée.

L’inaction des autorités : l’ACPR dans le viseur

Autre rebondissement : le rôle – ou plutôt l’absence de rôle – des autorités de régulation. L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), rattachée à la Banque de France, est censée veiller à la protection des clients dans le secteur des assurances. Or, malgré les scandales publics dès 2019, l’ACPR n’a engagé aucune action significative avant fin 2022, et n’a suspendu l’agrément de courtage de la SFAM qu’en avril 2023. Trop tard. Beaucoup trop tard.

Pour l’UFC-Que Choisir, cette inaction constitue un manquement grave à ses obligations légales, justifiant une mise en demeure de la Banque de France pour l’indemnisation des préjudices subis. Sont concernés 561 consommateurs représentés conjointement avec l’association, mais aussi, potentiellement, tous les clients lésés.

Une action de groupe en préparation ?

Dans l’ombre de ces plaintes, l’UFC-Que Choisir n’exclut pas d’engager prochainement une action de groupe pour permettre une indemnisation plus large et systémique. « Ce scandale d’une ampleur hors norme ne peut rester sans réponse », martèle l’organisation, qui mobilise ses antennes locales et ses avocats depuis 2018.

Finalement, ce que l’on croyait être la fin d’un interminable dossier judiciaire se révèle être une simple accalmie. L’affaire SFAM expose un modèle économique basé sur l’exploitation méthodique de la confiance des consommateurs. Si la liquidation de l’une des entités du groupe offre un symbole de chute, elle n’efface ni les dégâts, ni les responsabilités.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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