Service militaire obligatoire : un retour à 15 milliards d’euros par an ?

Une note stratégique a été rendue publique, le 5 mai, par le Haut-Commissariat au Plan et France Stratégie, dévoilant les contours de plusieurs scénarios destinés à refondre le Service national universel (SNU). Cette initiative, sollicitée directement par Emmanuel Macron, s’inscrit dans une volonté présidentielle de généraliser ce dispositif dès 2026. L’enjeu est double : renforcer la cohésion nationale et redonner un souffle à l’engagement civique. Mais les choix proposés oscillent entre réforme douce et le retour du service militaire, avec des écarts budgétaires vertigineux.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 6 mai 2025 12h30
Service militaire obligatoire : un retour à 15 milliards d’euros par an ?
Service militaire obligatoire : un retour à 15 milliards d’euros par an ? - © Economie Matin

Un Service national universel renforcé

Le premier scénario, qualifié de SNU “vitaminé”, consiste à multiplier par cinq la participation actuelle. L’objectif serait d’accueillir 200 000 jeunes de 15 à 17 ans chaque année, contre environ 40 000 en 2023. Le coût ? Près de 600 millions d’euros annuels. On resterait ici dans un format volontaire, civil et axé sur des missions d’intérêt général : sécurité, solidarité, culture, santé, sport ou encore environnement.

En 2023, 56 063 volontaires s’étaient inscrits, mais seuls 40 135 avaient effectivement participé à un séjour de cohésion, pour un budget total de 96,3 millions d’euros. Ce projet « vitaminé » ambitionne donc un saut d’échelle, sans en changer la nature.

SNU élargi, version obligatoire : une autre paire de manches

Deuxième piste, le service civil obligatoire, imposé à 600 000 jeunes, soit 75 % d'une classe d'âge. Cette version s’adresse soit aux 15-17 ans, soit aux 18-25 ans. Le coût grimpe ici entre 1,7 et 3,5 milliards d’euros par an. On change alors de paradigme, de l’incitation on passe à l’obligation, dans un esprit de mobilisation nationale étendue.

Une solution intermédiaire propose aussi un service militaire volontaire de six mois pour 70 000 jeunes majeurs, à 1,7 milliard d’euros par an. Si ce modèle rappelle par sa forme les anciens dispositifs de conscription, il reste basé sur le volontariat et pourrait séduire un public plus restreint, attiré par une expérience encadrée mais choisie.

Retour du service militaire obligatoire : la bombe budgétaire

Mais la note publiée par France Stratégie ne s’arrête pas là. Elle explore aussi un scénario radical : le retour pur et simple du service militaire obligatoire. Pour 300 000 jeunes (hommes uniquement), il en coûterait 7,2 milliards d’euros. Si la mixité est instaurée (600 000 jeunes), la facture atteint 14,5 milliards d’euros par an peut-on lire sur le site de Francetvinfo.

Un tel projet ne manquerait pas de réveiller les vieux démons logistiques et budgétaires d’un appareil militaire déjà sous pression. Qui formera ces contingents ? Où les loger ? Quels équipements mobiliser ? Et surtout, à quelles fins stratégiques ?

Les scénarios hybrides : le compromis en trompe-l’œil

Deux solutions hybrides cherchent à combiner l’engagement civil et l’expérience militaire. La première envisage 12 jours de cohésion obligatoires, suivis de cinq mois de service civil, avec un complément volontaire militaire de trois mois. Un budget de 4,95 milliards d’euros. La seconde option propose un tronc commun de 12 jours, puis laisse le choix entre cinq mois de service civil ou trois mois de service militaire. Coût estimé : 5,2 milliards d’euros.

Ces modèles entendent préserver une certaine souplesse tout en généralisant l’expérience de la discipline collective et du “vivre ensemble”. Mais ce subtil équilibre entre liberté de choix et logique coercitive pourrait bien cristalliser les tensions entre générations et entre visions politiques.

Un enjeu de société bien plus qu’une ligne budgétaire

Derrière ces chiffres colossaux se cachent des arbitrages de fond. Quelle place donner à l’engagement dans le cursus scolaire ? Doit-on valoriser ces parcours dans l’accès à l’université, à l’emploi ou à la retraite ? Faut-il ressusciter une culture militaire dans une République qui s’est voulue depuis vingt ans plus individualiste que républicaine ?

La note insiste sur un point, quel que soit le scénario retenu, l’engagement doit être reconnu dans les parcours académiques, les progressions de carrière dans la fonction publique, voire le calcul des droits à la retraite.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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