Le Sénat va-t-il supprimer le jour férié du 1er mai ?

Alors que le 1er mai incarne traditionnellement la fête du travail chômé, une initiative parlementaire propose de modifier l’encadrement légal pour certains commerces. Entre défense du patrimoine économique et protection des droits sociaux, le débat s’installe.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 28 avril 2025 8h58
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senat-va-il-supprimer-le-jour-ferie-du-1er-mai - © Economie Matin

Le 1er mai 2025, jour emblématique du travailleur et du repos férié, pourrait connaître une évolution significative. Une proposition de loi portée par des sénateurs centristes, avec le soutien du gouvernement, vise à permettre à certains commerces, notamment les boulangeries et les fleuristes, d’ouvrir ce jour habituellement chômé. Ce projet suscite de vives réactions dans les rangs politiques et syndicaux.

Une initiative pour sécuriser l’ouverture de certains commerces le 1er mai

La proposition de loi, déposée par Annick Billon, sénatrice de Vendée, et Hervé Marseille, président du groupe Union centriste, entend "adapter le droit aux réalités du terrain" en modifiant le Code du travail. L'objectif est de sécuriser juridiquement l'ouverture d'établissements essentiels dont l’activité le jour du 1er mai répondrait à un besoin du public.

Jusqu’à présent, la possibilité pour certaines entreprises d’ouvrir ce jour-là reposait sur une position ministérielle du 23 mai 1986, devenue caduque depuis une décision de la Cour de cassation en 2006. Ce vide juridique laissait place à des sanctions financières dissuasives : jusqu'à 750 euros d'amende par travailleur concerné et 1 500 euros pour un salarié mineur.

La ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, a déclaré : « Le gouvernement soutiendra cette initiative, car elle vient sécuriser notre droit et répondre aux attentes des boulangers, mais aussi de tous ceux dont l’activité est indispensable, dans le respect absolu du volontariat des salariés ».

Concrètement, seuls les établissements déjà habilités à ouvrir le dimanche pourraient bénéficier de cette nouvelle dérogation. Un décret précisera les secteurs concernés, ce qui laisse une marge d'interprétation qui inquiète déjà certains syndicats.

Le 1er mai : entre journée chômée, héritage syndical et impératifs économiques

Le 1er mai n’est pas un jour férié comme les autres. Institué en hommage aux luttes ouvrières pour obtenir la journée de huit heures, il a acquis en France, dès 1947, un statut à part : il est le seul jour férié obligatoirement chômé et payé, sauf pour certaines catégories spécifiques de salariés. Cette particularité juridique symbolise la reconnaissance du travailleur et de ses combats.

Pour la CGT, toute tentative d'élargir le champ du travail ce jour-là est vécue comme une attaque contre des acquis fondamentaux. Sur LCI, Sophie Binet a averti : « Pas question. Il y a 364 autres jours pour ouvrir. Je rappelle que le 1er mai, les patrons peuvent travailler s'ils le souhaitent, mais pour les travailleurs et les travailleuses, c'est férié, c'est chômé».

La leader syndicale a également dressé un parallèle inquiétant avec l'évolution du travail dominical : « D'abord payé double, le travail du dimanche est désormais complètement libéralisé, avec des majorations de 10 % ou pas de majoration du tout et encore moins de volontariat ». La crainte exprimée est celle d’une banalisation progressive du travail sur des jours jusque-là protégés.

Du côté économique, les arguments en faveur de l’ouverture ne manquent pas. Selon Dominique Anract, président de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française, nombre de salariés « accepteraient volontiers de travailler pour bénéficier d'une double paie ». Certains professionnels rappellent aussi que pour les fleuristes, le 1er mai représente une part importante de leur chiffre d'affaires annuel, en lien direct avec la vente de muguet.

Une proposition controversée au sein même de la classe politique

La proposition de loi ne divise pas seulement syndicats et employeurs. Elle révèle également des fractures au sein des élus. Si plusieurs dizaines de parlementaires Les Républicains (LR) ont exprimé leur appui, d'autres s'y opposent fermement, refusant ce qu'ils considèrent comme une remise en cause insidieuse des protections sociales.

Le Rassemblement National a pour sa part affiché un soutien vigoureux à l’initiative. Le député Julien Odoul a estimé sur France 3 : « Le 1er-Mai, c'est la fête du Travail, c'est pas la fête de l'oisiveté, c'est pas la fête de l'assistanat. Arrêtons d'emmerder les Français qui veulent travailler ».

Le gouvernement, en insistant sur le caractère volontaire du travail ce jour-là, cherche à désamorcer les critiques. Pourtant, l'absence d'une véritable consultation préalable des partenaires sociaux inquiète, tout comme la possibilité d'une extension future du champ d'application à d'autres secteurs que les boulangeries et les fleuristes.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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