L’Europe remet les compteurs à zéro. Une réforme attendue, redoutée, qui pourrait bouleverser les habitudes de millions d’automobilistes. Et les obliger à passer beaucoup plus souvent devant les spécialistes du contrôle technique.
Sécurité routière : un contrôle technique tous les ans dès 2027 ?

Le 24 avril 2025, la Commission européenne a présenté une proposition législative visant à rendre le contrôle technique annuel obligatoire pour tous les véhicules particuliers et utilitaires de plus de dix ans. Actuellement bisannuel dans plusieurs États membres, ce contrôle deviendrait plus fréquent, plus strict… et potentiellement plus coûteux. Officiellement, il s’agit d’améliorer la sécurité routière, de réduire les émissions polluantes et de lutter contre la fraude. En coulisses, les débats s’enflamment.
Contrôle technique : l’Europe appuie sur le frein de la tolérance
Le contrôle technique tel qu’on le connaît pourrait bientôt appartenir au passé. La nouvelle directive vise tous les véhicules particuliers et camionnettes de plus de dix ans. En France, plus de 19 millions de voitures seraient concernées. Et cette fois, pas d’exception régionale : la réforme entend harmoniser les règles dans tous les États membres. « Des véhicules dangereux continuent d’être présents sur les routes de l’UE. Ils sont à l’origine d’accidents, directement ou indirectement. Certains défauts des véhicules ne sont toujours pas détectés aujourd’hui », explique la Commission européenne relayée par Le Soir.
Les défauts techniques sont pointés du doigt comme facteur aggravant dans de nombreux accidents mortels. Avec cette réforme, Bruxelles veut frapper fort : elle vise une réduction de 50 % du nombre de tués et blessés graves sur les routes d’ici 2030, et zéro mort à l’horizon 2050.
Mais ce durcissement s’accompagne d’une refonte technique des contrôles. Il ne s’agit plus seulement de vérifier les freins et les pneus, mais aussi :
- Les systèmes électroniques embarqués (aides à la conduite, capteurs).
- La batterie et la connectique des véhicules électriques.
- Les émissions de NOx (oxydes d’azote) et de particules ultrafines, en lien avec les nouvelles normes environnementales.
Lutte contre la fraude, pollution : un chantier à plusieurs vitesses
Le projet législatif ne s’arrête pas là. L’exécutif européen prévoit également de numériser les certificats d’immatriculation, faciliter leur transfert transfrontalier, et créer une base de données unifiée à l’échelle de l’Union. Objectif : mieux repérer les véhicules non conformes, volés ou maquillés. En ligne de mire, la fraude au kilométrage, qui gangrène encore de nombreux marchés d’occasion européens. « L’initiative d’aujourd’hui constitue une avancée majeure pour rendre nos routes plus sûres, notre air plus pur et la vie des citoyens plus facile », détaille Apostolos Tzitzikostas, commissaire européen aux Transports.
La Commission souhaite s’inspirer du système belge Car-Pass, jugé efficace et transparent. À terme, chaque véhicule pourrait être accompagné d’un "historique de santé" numérique accessible partout en Europe. Une révolution dans la gestion du parc automobile. Mais certains États s’inquiètent : quelles infrastructures pour stocker ces données ? Qui paiera la facture ? Les garages seront-ils tous équipés ?
Voitures de plus de dix ans : une réforme du contrôle technique qui touche au portefeuille
Les automobilistes sont prévenus : l’entrée en vigueur d’un contrôle technique annuel implique des coûts supplémentaires, surtout pour les foyers modestes qui roulent avec de vieux modèles. À titre indicatif, le prix d’un contrôle standard dépasse déjà 80 euros dans plusieurs régions. Un passage annuel pourrait donc représenter près de 800 euros sur dix ans, sans compter les réparations obligatoires.
Les associations de défense des automobilistes s’interrogent : s’agit-il d’une réforme pour la sécurité ou d’un impôt déguisé ? D’autant que la mesure touche en priorité les propriétaires de véhicules anciens, souvent les plus précaires.
Du côté des professionnels de l’automobile, on salue une opportunité de moderniser le parc roulant, mais on redoute les délais d’adaptation technique. Les petits centres de contrôle seront-ils capables de diagnostiquer les batteries haute tension ou les logiciels embarqués ? Rien n’est moins sûr.
Contrôle technique : une proposition qui divise et un calendrier flou
La proposition de directive a été déposée le 24 avril 2025, mais elle devra être examinée par le Parlement européen, puis adoptée par les États membres. Le vote n’est pas attendu avant fin 2025, et les mesures pourraient n’entrer en vigueur qu’à partir de 2027 ou 2028, après une période de transition.
Rendre le contrôle technique annuel obligatoire, c’est bien plus qu’une formalité administrative : c’est un changement de paradigme. Derrière les bonnes intentions de sécurité et d’écologie se cache une transformation profonde du rapport à la voiture ancienne. Une réforme qui touche à l’économie, au social, au numérique — et au portefeuille. Reste à voir si l’Union européenne parviendra à concilier ambition réglementaire et acceptabilité populaire.