Le 11 mai 2025, SAP, le géant allemand des logiciels d’entreprise, a officiellement annoncé la suppression de ses programmes de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI) aux États-Unis. Une décision qui fait suite aux pressions croissantes de l’administration Trump, revenue au pouvoir depuis janvier.
Diversité : le grand recul de l’Allemand SAP qui plie face à Trump

En choisissant de sacrifier ses engagements RSE (responsabilité sociétale des entreprises) sur l’autel de la conformité réglementaire américaine, SAP vient d’envoyer un signal retentissant au monde de l’industrie : la parité et la diversité sont devenues des variables d’ajustement.
SAP face à Trump : un choix contraint ou une stratégie assumée ?
La décision de SAP, annoncée par un porte-parole de l’entreprise le 11 mai 2025 et confirmée à l’Agence France-Presse, consiste à supprimer l’ensemble de ses objectifs de diversité de genre aux États-Unis. Plus précisément, l’entreprise « va abandonner son objectif d’atteindre 40 % de femmes parmi l’ensemble de ses employés », comme le révèle Le Monde.
Pourquoi ce revirement ? Officiellement, il s’agit de se « conformer pleinement aux exigences légales dans chaque pays où [l’entreprise] opère », selon un communiqué de SAP cité dans la même source. Ce repositionnement intervient après que Donald Trump, dès son retour à la Maison Blanche, a signé un décret rendant illégaux les programmes DEI. Ces derniers sont désormais considérés comme des atteintes aux principes d’égalité des chances, dans une logique idéologique inversée.
SAP n’est pas isolée. L’ambassade des États-Unis à Paris a récemment adressé une lettre à plusieurs entreprises françaises actives outre-Atlantique, les sommant de revoir leurs politiques internes en matière de diversité. Une manœuvre diplomatique très critiquée, mais qui montre bien la volonté de l’administration américaine d’imposer sa vision de l’entreprise et mettre à l’écart certaines personnes.
SAP : désintégration silencieuse d’une politique d’inclusion
Le recul de SAP sur ses engagements DEI est un démantèlement structurel. Aux États-Unis, « les quotas de femmes dans les postes de direction ne seront plus appliqués », note Le Monde. De plus, « la diversité des sexes ne sera plus prise en compte comme critère de rémunération de son directoire » et « le département à la diversité et à l’inclusion va perdre son autonomie pour être fusionné avec un autre ».
Ce type de réorganisation interne constitue bien plus qu’un ajustement de politique RH. Il remet en question la culture d’entreprise elle-même, et fragilise les dispositifs de recrutement inclusif. SAP, qui emploie 17 000 personnes aux États-Unis, soit 16 % de sa masse salariale globale, y a également réalisé près d’un tiers de son chiffre d’affaires en 2024.
Image, management, réputation : les dommages collatéraux
D’un point de vue managérial, cette décision crée un précédent dangereux. Elle donne l’exemple d’un groupe international cédant à une injonction politique contraire à ses engagements publics. Pour les cadres, notamment les femmes et minorités engagées dans les politiques DEI, le message est glaçant : la diversité est tolérée… tant qu’elle ne gêne pas.
Le professeur Jeffrey Sonnenfeld, directeur du Yale CEO Caucus, a résumé l’ambiance dans les hautes sphères de l’industrie américaine : « Il y avait une répulsion universelle face aux politiques économiques de Trump », a-t-il déclaré lors d’un sommet rassemblant les PDG de JPMorgan Chase, Dell ou encore Pfizer, selon le Wall Street Journal.
En interne, la fusion du département diversité avec une autre entité marque un affaiblissement institutionnalisé de ces enjeux. À long terme, cela pourrait affecter la capacité de SAP à attirer les talents issus de groupes sous-représentés, notamment dans le secteur technologique, qui peine déjà à se diversifier. L’image de SAP, jusque-là pionnière en matière de parité et d’égalité professionnelle, sort écornée de cette affaire. Céder ainsi à une pression politique réactionnaire représente une dissonance majeure.
L’effet domino : Novo Nordisk et les autres...
SAP est loin d’être un cas isolé. Le 7 mai 2025, le groupe pharmaceutique Novo Nordisk a publié un communiqué annonçant qu’il renonçait lui aussi à appliquer ses objectifs de représentation des sexes aux États-Unis. Dans ses résultats trimestriels, l’entreprise déclare : « Bien que Novo Nordisk maintienne notre aspiration mondiale à une représentation minimale de 45 % pour chaque sexe d’ici la fin de 2025, les activités de Novo Nordisk aux États-Unis ne participeront plus à cette initiative mondiale en raison de l’évolution des exigences légales », relaye Reuters.
Le précédent juridique ouvert par le décret Trump alimente ainsi une vague de désengagement DEI. En avril 2025, la filiale américaine de Deutsche Telekom, T-Mobile US, avait déjà fait savoir qu’elle réduirait significativement ses dispositifs inclusifs. Le journal allemand Handelsblatt mentionne également des lettres envoyées par des représentants diplomatiques américains à des entreprises allemandes, les menaçant de poursuites. La stratégie de Trump s’appuie donc sur une arme redoutablement efficace : la peur du procès.
RSE, diversité et Trump : quand la conformité devient compromission
SAP a choisi la conformité. Une conformité légale certes, mais à une législation réactionnaire dont le fondement même est contesté dans les arènes judiciaires et politiques. En abandonnant ses programmes DEI aux États-Unis, le groupe allemand ouvre une brèche : celle d’un capitalisme sans freins, prêt à troquer ses engagements sociaux et l’égalité entre les personnes pour un simple laissez-passer juridique.