SAFE : 150 milliards d’euros pour relancer l’économie industrielle

Et si l’avenir de votre PME passait par la défense européenne ? Le programme SAFE, avec ses 150 milliards d’euros, ne se limite pas aux géants de l’armement : il pourrait bien irriguer toute une économie locale, en quête de débouchés.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 23 mai 2025 10h46
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© MBDA
150 milliardsLe programme SAFE met sur la table 150 milliards d’euros pour relancer la production militaire sur le sol européen

Approuvé le 21 mai 2025, le programme SAFE (Security Action for Europe) met sur la table 150 milliards d’euros pour relancer la production militaire sur le sol européen. Si le programme semble a priori réservé aux géants comme Thales ou Airbus, il pourrait en réalité transformer le quotidien de milliers de sous-traitants, fournisseurs, PME innovantes, start-up technologiques ou artisans spécialisés. Car dans la défense aussi, ce sont souvent les plus petits maillons qui font tourner les grandes machines.

SAFE, un coup d’accélérateur pour l’industrie… et ses fournisseurs

Concrètement, le plan SAFE repose sur un mécanisme de prêts de long terme aux États membres, garantis par le budget de l’Union européenne. Les conditions sont ultra-avantageuses : dix ans sans remboursement, puis un étalement sur quarante-cinq ans. Ces fonds doivent financer des commandes d’armement, mais aussi des infrastructures, des outils de production, des composants et des innovations technologiques.

Cela signifie que les grands industriels, pour répondre à la demande, devront élargir leur réseau de sous-traitance. Dans un document obtenu par Euractiv (2 mai 2025), les poids lourds du secteur (Airbus, Saab, MBDA) ont eux-mêmes demandé à la Commission d’« impliquer les fournisseurs européens établis localement », soulignant leur rôle-clé dans la chaîne de valeur.

Pour les PME, une opportunité concrète de croissance

Qu’il s’agisse de traitement de surface, de robotique, d’électronique, de textile technique ou de logistique sécurisée, les besoins de l’industrie militaire couvrent des domaines très variés. Avec le programme SAFE, ces secteurs vont bénéficier d’un flux inédit d’investissement, qui pourrait rapidement rejaillir sur les petites structures.

Le ministère des Armées estime que chaque milliard d’euro investi dans la défense génère environ 10 000 emplois directs et indirects, majoritairement non délocalisables. SAFE, avec ses 150 milliards, représente donc potentiellement jusqu’à 1,5 million d’emplois à l’échelle européenne sur une décennie, selon les projections du think tank EuroDéfense.

En France, des régions comme l’Occitanie, l’Île-de-France ou la Nouvelle-Aquitaine concentrent déjà une grande partie des PME fournisseurs de la défense. Le plan SAFE pourrait accélérer leur développement, mais aussi stimuler des vocations ailleurs, dans des territoires moins industrialisés.

Une clause "Europe" pour protéger les producteurs locaux

Le programme impose une règle simple : 65 % des composants ou services doivent provenir d’entreprises basées dans l’Union européenne. Cette clause protège les producteurs locaux contre la concurrence déloyale extra-européenne, et incite les grands donneurs d’ordre à chercher près de chez eux.

Mieux encore : les pays non membres de l’UE qui veulent bénéficier de SAFE doivent avoir signé un accord de défense et garantir un niveau équivalent de normes industrielles. Cela limite l’accès aux fournisseurs basés dans des zones à bas coûts ou aux normes techniques incompatibles. Pour les entrepreneurs français, c’est un gage de stabilité et une protection contre les délocalisations.

L’appel aux candidatures arrive : comment se positionner ?

Dès juin 2025, les États membres pourront proposer des projets à financer dans le cadre de SAFE. Cela signifie que les grands industriels vont rapidement publier des appels d’offres pour identifier leurs partenaires.

Les PME intéressées devront :

  • se référencer auprès des plateformes européennes de commande publique ;

  • obtenir des labels ou certifications (ISO, défense, cybersécurité) ;

  • tisser des liens avec les maîtres d’œuvre (Airbus, Thales, Nexter, Naval Group…) ;

  • structurer des consortiums locaux ou régionaux pour mutualiser les capacités.

Le programme InvestEU, qui complète SAFE, prévoit par ailleurs des garanties pour aider les petites structures à obtenir des financements bancaires liés à la défense.

SAFE n’est pas réservé aux géants de l’armement. C’est une chance pour les territoires, pour l’industrie locale, pour l’emploi qualifié, pour la technologie de pointe… et pour toutes les PME françaises qui veulent s’inscrire dans un marché européen en pleine mutation. À condition d’anticiper, de se structurer, et de jouer collectif. Le réarmement de l’Europe pourrait bien commencer dans les ateliers de nos régions.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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