Russie : Poutine veut « étrangler » les entreprises occidentales

L’équilibre, déjà fragile, entre intérêts économiques et tensions géopolitiques vient de recevoir une nouvelle secousse. Vladimir Poutine l’a annoncé : il veut désormais la mort des entreprises occidentales qui ont encore le courage de travailler dans le pays. Et pour les grandes multinationales encore présentes sur place, le compte à rebours a peut-être déjà commencé.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 27 mai 2025 6h10
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Russie : Poutine veut « étrangler » les entreprises occidentales - © Economie Matin
4%Selon le Kremlin, la croissance russe a été de 4% en 2024.

Le 26 mai 2025, le président russe Vladimir Poutine a déclenché une nouvelle salve verbale contre les entreprises occidentales encore actives sur le territoire russe. Le dirigeant russe a visé particulièrement les géants du numérique, en affirmant son intention de leur opposer une riposte économique « symétrique ». Une sortie qui place un peu plus la Russie sur la trajectoire d’un isolement assumé… mais aussi forcé.

« Nous devons les étrangler » : les entreprises occidentales prises pour cible

Lors d'une réunion filmée avec des chefs d'entreprise russes le 26 mai 2025, Vladimir Poutine a repris à son compte l'exaspération d'un homme d'affaires appelant à sévir contre les services numériques américains encore opérationnels dans le pays, comme Zoom et Microsoft. Sa réponse, sans fioritures : « Nous devons les étrangler. Je suis complètement d’accord, et je le dis sans hésitation » relaye notamment 20 Minutes.

Cette menace n’est autre que la suite logique des événements. Depuis 2022, le Kremlin durcit régulièrement ses positions contre les multinationales perçues comme hostiles. En dénonçant l'hypocrisie de ces sociétés, qu’il accuse de tirer profit du marché russe tout en soutenant indirectement les sanctions occidentales, Poutine redéfinit les règles du jeu économique sur fond de guerre hybride.

Le choix du mot « étrangler » ne laisse aucune place au doute : il s’agit désormais de coercition assumée. Le Kremlin vise, en priorité, les entreprises jugées nuisibles à sa « souveraineté technologique » et qui continuent d’exercer, même partiellement, une influence sur son marché intérieur.

Après la guerre, la grande débâcle : quelles entreprises sont parties… et lesquelles sont restées ?

L’annonce de l’invasion de l’Ukraine, le 24 février 2022, a provoqué un séisme économique mondial. En réponse à l’intervention militaire, près de 1 000 entreprises étrangères ont quitté la Russie ou drastiquement réduit leur activité. Selon les données de Yale CELI (Chief Executive Leadership Institute), on compte parmi les premiers sortants McDonald’s, IKEA, H&M, BP, Shell, Apple, Netflix, et Carlsberg.

Mais toutes n’ont pas plié bagage. Certaines multinationales, notamment dans les secteurs pharmaceutique, alimentaire ou technologique, ont choisi une posture plus prudente, invoquant la continuité des services essentiels ou la neutralité industrielle. La famille Mulliez (Auchan, Leroy Merlin), Unilever ou encore Nestlé ont maintenu leur présence en Russie, malgré la pression médiatique et politique occidentale.

Le président russe n’a pas manqué de cibler ces acteurs encore sur place. Si la Russie ne les a « pas expulsés », elle estime désormais qu’ils « tentent de l’étrangler » de l’intérieur. Dans un retournement accusatoire, Poutine affirme : « Nous n’avons expulsé personne… Nous avons offert les conditions les plus favorables pour qu’ils travaillent sur notre marché, et eux, ils essaient de nous étrangler. » Et donc, la logique est désormais simple : œil pour œil, dent pour dent.

Nouvelle doctrine du Kremlin : menace économique et stratégie de verrouillage

Depuis 2022, le gouvernement russe n’a cessé de complexifier les mécanismes de sortie du pays pour les entreprises occidentales. Le retrait implique désormais :

  • la vente obligatoire des actifs avec des décotes de 50 à 90 % ;
  • une autorisation administrative préalable délivrée par une commission spéciale ;
  • l’interdiction de rapatrier les bénéfices engrangés localement.

Cette stratégie de verrouillage a pour but d’empêcher la fuite de capitaux et de forcer des transferts technologiques au profit d’acteurs russes. Elle s’inscrit dans une logique de relocalisation souveraine encouragée par le Kremlin.

Des sources proches du fonds souverain RDIF, dirigé par Kirill Dmitriev, affirment que plusieurs entreprises américaines auraient récemment exprimé leur volonté de revenir discrètement en Russie. Aucune n’a officiellement confirmé ce projet. Mais Poutine, lui, a déjà tranché : « Ils sont partis, et maintenant, s’ils veulent revenir, sommes-nous censés leur dérouler le tapis rouge ? Non, bien sûr que non. », détaille 20 Minutes.

Un risque systémique pour les entreprises encore présentes

Les menaces de Vladimir Poutine signalent un virage stratégique où les entreprises étrangères deviennent des leviers de pression dans la guerre d’influence russo-occidentale. La Russie semble déterminée à remplacer les prestataires étrangers par des équivalents locaux — ou par des partenaires issus des BRICS (Brésil, Inde, Chine, Afrique du Sud).

La situation actuelle expose les groupes encore implantés à :

  • des pressions juridiques croissantes ;
  • des restrictions d’activité arbitraires ;
  • une réputation abîmée dans les pays membres de l’Union européenne ou de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

La dissonance stratégique est flagrante : les mêmes entreprises qui tentaient de jouer la neutralité sont désormais désignées comme ennemies économiques. Une inversion du risque qui pourrait forcer les dernières multinationales occidentales à abandonner leur position russe pour préserver leur image mondiale. Déjà que les critiques ont fusé pour celles qui avaient décidé de rester en Russie après que le pays a déclenché le pire conflit armé sur le territoire européen depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale.

En 2025, la Russie ne cherche défintivement plus à séduire les investisseurs étrangers. Elle les intimide, les contraint, les humilie même parfois. Dans ce climat, les entreprises encore actives en Russie doivent choisir : s’adapter à une économie militarisée et instable ou se retirer à tout prix, même à perte.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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