Automobile : Renault perd son PDG débauché par Kering

Une annonce brutale, un timing surprenant, et des conséquences encore incalculables : l’univers automobile français subit une double secousse… alors que l’industrie est loin de pouvoir se reposer sur ses lauriers.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 16 juin 2025 5h55
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1,7 MILLION €Luca de Meo a touché un salaire fixe en hausse de 31%, atteignant 1,7 million d'euros en 2024.

Le 15 juin 2025, Renault a confirmé la démission de son directeur général, Luca de Meo, qui quittera officiellement ses fonctions le 15 juillet 2025. Une décision inattendue, à un moment charnière pour le constructeur français, alors même que Stellantis procédait également à un changement de direction. Une coïncidence lourde de sens, qui dessine une recomposition du leadership dans le secteur automobile.

Luca de Meo quitte Renault pour rejoindre Kering

Nommé en juillet 2020, Luca de Meo a redressé Renault, jusque-là enlisé dans une crise structurelle. Sous sa gouvernance, le groupe est revenu à l’équilibre après une perte nette de huit milliards d’euros en 2020. À travers une stratégie rigoureuse — électrification accélérée, rationalisation industrielle, recentrage sur les marges — De Meo a restauré la compétitivité du constructeur. Dans un communiqué, Renault, dans son communiqué de presse, a salué "un dirigeant visionnaire qui a su transformer une entreprise en difficulté en un acteur solide de l’industrie".

Mais le 15 juin, un choc : De Meo annonce qu’il quitte Renault pour intégrer Kering, le groupe de luxe détenu par la famille Pinault. Il y prendra la tête de la direction générale, dans une structure dissociée de la présidence, toujours assurée par François-Henri Pinault. Le groupe de mode traverse une phase délicate, marqué par une chute de 70 % de sa valorisation boursière depuis 2021, rappelle le Financial Times. Et ce alors que son concurrent direct, LVMH, se porte plus que bien. "J’ai décidé de relever un nouveau défi, dans un univers différent, mais tout aussi exigeant", a déclaré Luca de Meo dans une brève déclaration transmise à la presse relayée entre autres par Cinco Dias.

Renault change de patron à un moment très compliqué

Chez Renault, ce départ inattendu intervient alors que plusieurs chantiers majeurs sont en cours. Le plan « Futurama », censé orienter le groupe vers 2030, devait être présenté en septembre. Le président du conseil d’administration, Jean-Dominique Senard, a assuré que « les projets se poursuivront sans rupture stratégique ». La succession s’organise rapidement, avec une gouvernance transitoire évoquée mais non détaillée. La stabilité de l’alliance avec Nissan, renforcée début 2023, pourrait être fragilisée. Les investisseurs restent prudents.

Côté industriel, la dynamique est positive. Les lancements de modèles électriques comme la R5 et la Mégane E-Tech sont salués. La marque Alpine, engagée en F1, a été repositionnée avec succès. Selon Flavio Briatore, conseiller exécutif, "le départ de Luca de Meo ne remet pas en cause le projet F1 avec Mercedes".

Stellantis change aussi de patron : une coïncidence révélatrice

Quelques jours après l’annonce de Renault, un autre séisme secoue l’industrie : Stellantis nomme Antonio Filosa à la direction générale, remplaçant Carlos Tavares dès le 23 juin. Filosa, ancien PDG de Jeep puis directeur opérationnel pour l’Amérique latine, est un profil « maison ». Sa nomination intervient alors que le groupe a vu son bénéfice net chuter de 70 % en 2024. Le nouveau patron de Stellantis devrait obtenir un salaire record de près de 20 millions d’euros… et surtout diriger le groupe depuis les Etats-Unis.

Le calendrier interpelle. En dix jours, deux des plus grands groupes automobiles européens changent de direction. Coïncidence ou symptôme d’un malaise plus profond ? La guerre des talents dans l’industrie automobile, confrontée à la révolution électrique et aux exigences environnementales, devient palpable. Les dirigeants doivent désormais arbitrer entre technologie, géopolitique, pression réglementaire et attentes boursières.

Automobile : vers une nouvelle industrie européenne ?

Ces départs révèlent des lignes de tension : la difficulté à conjuguer vision industrielle et impératifs de court terme. Chez Renault, l’après-De Meo sera scruté : sa capacité à construire une marque globale et rentable, tout en respectant les contraintes de l’électrification, constituait un rare équilibre. Stellantis, de son côté, doit relancer la dynamique de ses marques européennes, en perte de vitesse, tout en résistant à la concurrence chinoise.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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