Ils scrutent les étiquettes, comparent les prix, multiplient les arbitrages. Derrière les rayons bien garnis, c’est une tempête silencieuse qui s’est installée dans les habitudes d’achat. La consommation en France change de visage, sans que l’humeur collective ne suive la pente.
Pouvoir d’achat : se faire plaisir ? Impossible pour 1 Français sur 2
Le baromètre OpinionWay pour Bonial, publié à la fin du mois de mars 2025, dresse un état des lieux sans fard des comportements d’achat en France. Dans un climat encore alourdi par les effets durables de l’inflation, les Français font évoluer leurs habitudes de consommation, quitte à sacrifier certains plaisirs du quotidien. Malgré les signaux de stabilisation macroéconomique, « consommation » rime désormais avec précaution, réduction et frustration.
Pouvoir d’achat : la consommation plombée par le ressenti
Les chiffres sont formels : 74 % des Français déclarent un état d’esprit négatif lorsqu’ils pensent à leur pouvoir d’achat. La lassitude se décline en « inquiétude » (43 %), « mécontentement » (28 %), « impuissance » (25 %) ou encore « frustration » (24 %). Et même si les prix n’augmentent plus aussi brutalement, cette baisse ne suffit pas à ranimer la confiance.
Comme le souligne Laurent Landel, président de Bonial France, dans un entretien publié sur EcommerceMag : « Comme tout traumatisme, il faut du temps pour s'adapter. L'augmentation des prix a été brutale, alors que leur baisse actuelle est beaucoup plus lente et discrète ».
Comportements d’achat : un recentrage sur l’essentiel
Quand on gratte la surface, c’est une réalité bien plus brutale qui apparaît : près d’un tiers des Français affirme ne pas vivre décemment, tandis que la moitié renonce aux vacances faute de budget. Ce ne sont plus des ajustements, mais de véritables révisions de fond.
Le baromètre OpinionWay révèle que 51 % des répondants estiment ne pas pouvoir se faire plaisir et que 46 % ne peuvent pas épargner, quand 77 % jugent que les prix continuent d’augmenter. La capacité à financer des achats non essentiels s’érode au point de contraindre la consommation plaisir.
La répartition envisagée d’un revenu additionnel mensuel de 500 euros le prouve :
- 194 euros iraient aux dépenses contraintes,
- 195 euros à l’épargne,
- seulement 111 euros aux achats pour se faire plaisir.
Le constat est d’autant plus glaçant que les arbitrages ne concernent plus seulement les loisirs : la consommation de produits frais, de viande ou de poisson est en recul notable. L’alerte est lancée : la consommation se rétracte jusque dans l’assiette.
Multiplication des stratégies défensives de consommation
Face à cette tension budgétaire persistante, les Français déploient des stratégies défensives, quitte à renoncer à une part de confort :
- 36 % se déclarent plus attentifs aux prix,
- 31 % recherchent activement les promotions,
- 21 % réduisent leurs achats au strict nécessaire,
- 19 % se tournent vers les produits d’occasion,
- 16 % achètent davantage en seconde main.
Les enseignes traditionnelles se font supplanter par les circuits de grande distribution, de discount ou les plateformes de revente. Le consommateur 2025 n’est plus fidèle : il est “multifidèle”, zappeur d’enseignes, en quête permanente de valeur perçue maximale.
Achats plaisir : une expérience de plus en plus rare
La notion même de plaisir dans l’acte d’achat est en chute libre. Selon le baromètre, seuls 24 % des Français affirment se faire plaisir régulièrement lors de leurs achats, quand 68 % déclarent ne le faire qu’occasionnellement.
Et encore faut-il relativiser ce chiffre : parmi les plus bas revenus, cette “occasion” devient souvent un mirage. Les produits d’hygiène, alimentaires ou de base sont les seuls à conserver une fonction hédonique minimale. Le reste — vêtements, loisirs, culture, cosmétiques — est passé à la trappe.
Face à la flambée passée des prix et à une désindexation perçue entre salaires et coûts de la vie, le consommateur français devient stratège, prudent, méthodique. Mais cette rationalisation de l’achat ne compense pas la disparition de l’enthousiasme. Le baromètre se conclut sur une statistique brutale : 90 % des Français estiment qu’il est devenu plus coûteux de se faire plaisir.
Ce que révèle vraiment la consommation des Français en 2025
En 2025, la consommation n’est plus une pratique libératrice mais une discipline d’endurance. Les Français ne sont pas simplement économes : ils sont contraints, résignés à une consommation désenchantée. Et si certains indicateurs macroéconomiques affichent une forme de résilience, le climat psychologique reste désastreux.