Avec le partenariat Rheinmetall-Anduril, l’Allemagne continue à préférer les Etats-Unis à la France

Au Paris Air Show 2025, une annonce a sonné comme une défaite française. L’allemand Rheinmetall s’associe à l’américain Anduril. Objectif : déployer une gamme de missiles, drones et technologies de rupture sur le sol européen. Une manœuvre qui relègue Airbus, MBDA et la France à un rôle de spectateurs.

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By Adélaïde Motte Published on 19 juin 2025 11h00
Partenariat Rheinmetall Anduril Allemagne
Avec le partenariat Rheinmetall-Anduril, l’Allemagne continue à préférer les Etats-Unis à la France - © Economie Matin

Le 18 juin 2025, en marge du Paris Air Show, Rheinmetall a officialisé une alliance stratégique avec Anduril, la pépite technologique de la défense américaine. Le partenariat vise à produire en Europe une gamme de missiles et de drones à la pointe, défiant frontalement les géants européens de l'armement comme Airbus ou MBDA. Une décision qui illustre l’affaiblissement du couple franco-allemand et la montée en puissance d’un axe germano-américain dans l’industrie militaire.

Une alliance technologique offensive entre Rheinmetall et Anduril

Rheinmetall, acteur industriel historique de la défense allemande, a choisi Anduril pour sa capacité à intégrer intelligence artificielle, robotique et rapidité industrielle. Leur objectif est clair : construire en Europe des missiles Barracuda à longue portée (160, 370 et 900 km), intégrés à l’architecture de combat BattleSuite, un système d’intelligence décisionnelle temps réel. Ces armements devraient être produits à coûts réduits – jusqu’à 30 % moins chers que ceux de la concurrence européenne.

Cette offensive ne s'arrête pas là. Le drone Fury, développé par Anduril, viendra concurrencer directement le Remote Carrier porté par Airbus dans le programme SCAF (Système de combat aérien du futur). La firme californienne apportera aussi son savoir-faire en propulsion via Adranos, société spécialisée dans les moteurs solides. « Avec Rheinmetall, nous construisons des systèmes qui peuvent être produits rapidement, déployés à grande échelle et adaptés à l’évolution des missions de l’OTAN », explique Brian Schimpf, PDG d’Anduril.

Missiles Barracuda, drones Fury, BattleSuite… de quoi parle-t-on exactement ?

Les missiles Barracuda sont des munitions de longue portée destinées à frapper des cibles stratégiques – infrastructures, véhicules blindés, bâtiments militaires – à plusieurs centaines de kilomètres. Trois variantes sont prévues : 160 km, 370 km et 900 km. L’ambition affichée est de créer une famille de missiles à la fois moins chers et plus rapides à produire que les modèles européens existants, comme les SCALP ou les Storm Shadow, utilisés notamment par la France et le Royaume-Uni. Grâce à leur modularité, les Barracuda pourraient être lancés depuis différents types de plateformes : avions, véhicules terrestres ou même navires.

Le drone Fury, lui, est un appareil sans pilote de nouvelle génération. Il ne s’agit pas ici de petits drones commerciaux mais d’engins militaires capables de voler loin, longtemps et de transmettre des données en temps réel. Doté de capteurs sophistiqués et éventuellement armé, le Fury peut remplir des missions de surveillance, reconnaissance ou appui tactique, en complément des avions de chasse. Il se pose ainsi en rival direct du projet français Remote Carrier, intégré au programme SCAF, dont le développement traîne depuis plusieurs années.

Enfin, BattleSuite est une suite logicielle intégrée développée par Rheinmetall. Son objectif : fournir aux forces armées un tableau de bord numérique des opérations en cours, combinant données de terrain, images satellite, renseignement en temps réel et ordres de mission. Grâce à l’intelligence artificielle, ce système peut identifier des menaces, hiérarchiser des cibles et recommander des décisions stratégiques. En clair, BattleSuite transforme la guerre numérique en un réseau fluide d’informations opérationnelles.

Autre brique essentielle de l’accord entre Rheinmetall et Anduril : la technologie de propulsion solide apportée par Adranos, filiale d’Anduril. Ce savoir-faire permet de fabriquer des moteurs de missile plus stables, puissants et facilement transportables, ce qui réduit fortement les coûts logistiques et les temps de déploiement.

Airbus et la défense européenne court-circuités

Le message est limpide : ni Airbus, pourtant plébiscité lors du Paris Air Show, ni MBDA, ni Dassault n’ont été associés au projet entre Rheinmetall et Anduril. MBDA, principal acteur européen du missile, se retrouve subitement face à un concurrent germano-américain intégré, soutenu par les autorités allemandes. Dassault, qui développait son offre drone autour du SCAF, voit surgir un produit rival, plus agile, plus rapide à déployer, et potentiellement mieux financé.

Le camouflet est politique autant qu’industriel. Les grandes initiatives européennes, si souvent portées par la France, comme le SCAF ou le programme MALE RPAS (drone européen), paraissent piétinées. L’Allemagne, en scellant un tel partenariat transatlantique, tourne ostensiblement le dos à ses partenaires européens.

Le mythe du couple franco-allemand, encore une fois ébranlé

Ce nouvel épisode s’inscrit dans une longue série de désillusions françaises sur le plan industriel et militaire. Tandis que Paris martèle l’importance de construire une souveraineté stratégique européenne, Berlin multiplie les ententes bilatérales avec Washington.

Pour Rheinmetall, cette stratégie est gagnante. Elle permet à l’Allemagne d'accélérer le réarmement, dans un contexte de tensions sécuritaires, sans les lenteurs bureaucratiques des programmes franco-allemands. Pour Anduril, c’est une tête de pont en Europe, avec une puissance industrielle locale, capable de répondre aux exigences logistiques de l’OTAN.

Le « couple » franco-allemand est devenu unilatéral, voire décoratif. L'industrie française semble prisonnière d’une posture politique qui n'est plus suivie d’effet. L’Europe de la défense n’existe pas tant que ses membres ne la défendent pas ensemble. L’Allemagne a fait son choix. La France, une fois de plus, doit composer avec une autonomie qu'elle est seule à revendiquer.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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