Nestlé : le scandale des eaux minérales qui éclabousse l’État

Nestlé savait. L’État aussi. Et pourtant, les bouteilles ont continué de défiler sur les chaînes, étiquetées “eau minérale naturelle”. Le Sénat balance, documents à l’appui.

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By Grégoire Hernandez Published on 20 mai 2025 14h42
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Nestlé : le scandale des eaux minérales qui éclabousse l’État - © Economie Matin
- 2,4 %Sur les neuf premiers mois de 2024, Nestlé a affiché un chiffre d'affaires de 67,1 milliards de francs suisses, soit environ 77,4 milliards d'euros, enregistrant une baisse de 2,4% par rapport à 2023.

Scandale des eaux minérales Nestlé : une dissimulation orchestrée, au sommet de l’État

Perrier, Hépar, Contrex… Ces noms sont associés depuis des décennies à de l’eau pure, que de nombreux Français consomment chaque jour. Mais pendant près de vingt ans, selon un rapport sénatorial du 19 mai 2025, Nestlé a utilisé des procédés de désinfection interdits sur ses sites français. Et le plus grave n’est pas là. Selon les sénateurs, l’État était non seulement informé, mais a aussi contribué à camoufler cette entorse à la loi. Le 14 octobre 2021, une réunion interministérielle donne le ton : pas de vague. La stratégie est claire. « Cette dissimulation relève d’une stratégie délibérée », affirme sans détour le rapport, s’appuyant sur des documents internes récupérés par la commission d’enquête.
L’Élysée est même directement pointé du doigt : « La présidence de la République, loin d’être une forteresse inexpugnable à l’égard du lobbying de Nestlé, a suivi de près le dossier », précise encore le texte. Une certitude pour les parlementaires : l’État savait, et a couvert.

Face à la découverte des pratiques illégales, Nestlé n’a pas reculé. Il a négocié. Et l’État a accepté. La désinfection interdite est remplacée… par une microfiltration de 0,2 micron, pourtant considérée comme équivalente à une désinfection, donc illégale elle aussi. « Une attitude transactionnelle », écrivent les sénateurs, accusant le gouvernement d’avoir « inversé la relation entre l’État et les industriels ».
Et les preuves sont là. À Vergèze, où est produite l’eau Perrier, un rapport sanitaire a été modifié à la demande de Nestlé. Des paragraphes entiers, réécrits par l’entreprise, ont été intégrés au document final. Le fonctionnaire chargé du dossier, choqué, a même refusé de le signer. Trop tard. Le texte avait déjà été validé. « L’industriel a caviardé, est devenu censeur, et même co-auteur d’un rapport d’une autorité régionale de santé », dénonce Alexandre Ouizille, rapporteur de la commission.

Des conséquences graves, une impunité intacte

Résultat ? Nestlé a pu continuer à vendre son eau sous l’étiquette « eau minérale naturelle ». Une appellation précieuse, synonyme de confiance pour le consommateur… et de bénéfices pour l’entreprise. Et malgré l’ampleur du scandale, l’État n’a toujours pas mis en place de contrôle généralisé. En effet, le rapport sénatorial explique : « à ce jour, il n’y a pas de vérifications exhaustives de l’absence de traitements interdits sur tous les sites de production d’eau conditionnée ». Autrement dit : des inspections ont pu avoir lieu, mais pas de passage au crible systématique de tous les forages. Aucune garantie que le problème soit circonscrit. Et côté justice ? Toujours rien. Les révélations de 2021 n’ont donné lieu à aucune suite judiciaire. L’impunité reste intacte.
Les recommandations du Sénat, elles, sont nombreuses. 28 au total, sur ses 327 pages. Parmi elles : un meilleur contrôle des prélèvements, un étiquetage renforcé, et la fin des passe-droits pour les minéraliers. Mais pour l’instant, rien n’est imposé. Et Nestlé continue d’exploiter ses sites, sous surveillance mais sans sanction.Pourquoi tant de mansuétude ? Peut-être parce que l’eau minérale, en France, pèse lourd. Très lourd. 104 sites d’exploitation, 11 000 emplois directs, 30 000 indirects. À Vittel, Contrexéville ou Vergèze, les usines Nestlé font vivre des communes entières. Et la pression est constante. À l’époque des faits, l’entreprise évoque un plan social de 120 suppressions de postes. « Attention, ils vont nous coller ces suppressions d’emplois sur le dos », aurait noté un haut-fonctionnaire dans une note adressée à Matignon, le 28 septembre 2022.
En clair : Nestlé menace, l’État plie. Et les consommateurs trinquent. Aujourd’hui encore, la préfecture du Gard doit se prononcer d'ici au 7 août sur le renouvellement de l’autorisation d’exploitation de la source Perrier. En attendant, elle exige le retrait du système de microfiltration. Mais Nestlé affirme avoir déjà des solutions alternatives. Le scandale est loin d’être clos.

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Étudiant en école de journalisme. Journaliste chez Économie Matin depuis septembre 2023.

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