Nestlé savait. L’État aussi. Et pourtant, les bouteilles ont continué de défiler sur les chaînes, étiquetées “eau minérale naturelle”. Le Sénat balance, documents à l’appui.
Nestlé : le scandale des eaux minérales qui éclabousse l’État
Scandale des eaux minérales Nestlé : une dissimulation orchestrée, au sommet de l’État
L’Élysée est même directement pointé du doigt : « La présidence de la République, loin d’être une forteresse inexpugnable à l’égard du lobbying de Nestlé, a suivi de près le dossier », précise encore le texte. Une certitude pour les parlementaires : l’État savait, et a couvert.
Face à la découverte des pratiques illégales, Nestlé n’a pas reculé. Il a négocié. Et l’État a accepté. La désinfection interdite est remplacée… par une microfiltration de 0,2 micron, pourtant considérée comme équivalente à une désinfection, donc illégale elle aussi. « Une attitude transactionnelle », écrivent les sénateurs, accusant le gouvernement d’avoir « inversé la relation entre l’État et les industriels ».
Et les preuves sont là. À Vergèze, où est produite l’eau Perrier, un rapport sanitaire a été modifié à la demande de Nestlé. Des paragraphes entiers, réécrits par l’entreprise, ont été intégrés au document final. Le fonctionnaire chargé du dossier, choqué, a même refusé de le signer. Trop tard. Le texte avait déjà été validé. « L’industriel a caviardé, est devenu censeur, et même co-auteur d’un rapport d’une autorité régionale de santé », dénonce Alexandre Ouizille, rapporteur de la commission.
Des conséquences graves, une impunité intacte
Les recommandations du Sénat, elles, sont nombreuses. 28 au total, sur ses 327 pages. Parmi elles : un meilleur contrôle des prélèvements, un étiquetage renforcé, et la fin des passe-droits pour les minéraliers. Mais pour l’instant, rien n’est imposé. Et Nestlé continue d’exploiter ses sites, sous surveillance mais sans sanction.Pourquoi tant de mansuétude ? Peut-être parce que l’eau minérale, en France, pèse lourd. Très lourd. 104 sites d’exploitation, 11 000 emplois directs, 30 000 indirects. À Vittel, Contrexéville ou Vergèze, les usines Nestlé font vivre des communes entières. Et la pression est constante. À l’époque des faits, l’entreprise évoque un plan social de 120 suppressions de postes. « Attention, ils vont nous coller ces suppressions d’emplois sur le dos », aurait noté un haut-fonctionnaire dans une note adressée à Matignon, le 28 septembre 2022.
En clair : Nestlé menace, l’État plie. Et les consommateurs trinquent. Aujourd’hui encore, la préfecture du Gard doit se prononcer d'ici au 7 août sur le renouvellement de l’autorisation d’exploitation de la source Perrier. En attendant, elle exige le retrait du système de microfiltration. Mais Nestlé affirme avoir déjà des solutions alternatives. Le scandale est loin d’être clos.