À travers l’histoire, les formes de la monnaie ont radicalement évolué, sans jamais cesser d’être le socle des échanges humains. Mais l’arrivée de la cryptomonnaie redéfinit les repères traditionnels et questionne les fondements mêmes de la confiance monétaire.
Monnaie et cryptomonnaie : comment fonctionnent-elles

La monnaie, concept aussi ancien que les civilisations, traverse les âges tout en se métamorphosant. Du métal précieux aux monnaies scripturales, jusqu’à l’avènement des cryptomonnaies, sa nature s’est recomposée, sans jamais perdre sa centralité dans les relations économiques. Comprendre les mécanismes de la monnaie et les enjeux portés par les crypto-actifs est aujourd’hui indispensable, à l’heure où s’accélère la transition vers une économie numérique.
Monnaie : origines et évolutions historiques
L’origine historique de la monnaie remonte à 650 av. J.-C., en Lydie, où furent frappées les premières pièces en électrum– un alliage naturel d’or et d’argent. À leurs débuts, ces pièces servaient davantage à affirmer le pouvoir des souverains qu’à structurer les échanges. Sur ce point, l’historien André Larané rappelle : « La monnaie serait née autour de la mer Égée avec les premières frappes de pièces en métal précieux à l’initiative de quelques rois et tyrans. » (Brève histoire de la monnaie, Herodote.net).
Ce n’est que progressivement que la monnaie devint un véritable outil d’échange. Le modèle métallique s’imposa : les pièces d’or, d’argent ou de bronze étaient garanties par leur poids et leur pureté. L’époque romaine perfectionna ce système avec des monnaies officielles centralisées, issues notamment du temple de Junon Moneta, d’où est issu le mot « monnaie ».
Au fil des siècles, les sociétés sont passées d’un système fondé sur la matérialité de la valeur (poids en métal) à un modèle basé sur la confiance dans l’émetteur. La monnaie fiduciaire, sous forme de papier-monnaie, se généralisa à partir du XIXe siècle, remplacée aujourd’hui en grande partie par la monnaie scripturale, invisible mais omniprésente.
Qu’est-ce que la monnaie aujourd’hui ?
La Banque centrale européenne définit la monnaie comme un « instrument économique utilisé pour faciliter les échanges » (Qu’est-ce que la monnaie ?, BCE). Elle doit remplir trois fonctions fondamentales :
- être une unité de compte, pour mesurer la valeur des biens et services,
- servir de moyen d’échange, afin de fluidifier les transactions,
- agir comme réserve de valeur, permettant de conserver du pouvoir d’achat dans le temps.
La Banque de France précise que la monnaie peut prendre deux formes principales :
- La monnaie fiduciaire, soit les billets et pièces, émise par la banque centrale.
- La monnaie scripturale, soit les inscriptions sur les comptes bancaires, produite par les banques commerciales à travers le crédit.
Ces deux formes coexistent au quotidien. Toutefois, la part de monnaie fiduciaire dans la masse monétaire est aujourd’hui marginale face à la domination des circuits électroniques.
Contrairement à une marchandise, la monnaie tire sa valeur de la confiance que lui accorde la société. Elle est donc fondée non pas sur un métal ou une ressource tangible, mais sur un acte collectif de reconnaissance garanti par des institutions (banques centrales, États, lois).
Cryptomonnaie : un actif numérique aux marges de la régulation
L’Autorité des marchés financiers (AMF) distingue clairement la cryptomonnaie de la monnaie traditionnelle. Selon elle : « Les “cryptomonnaies”, plutôt appelés “crypto-actifs”, sont des actifs numériques virtuels qui reposent sur la technologie de la blockchain […] Un crypto-actif n’est pas une monnaie. Sa valeur se détermine uniquement en fonction de l’offre et de la demande. » (Qu’est-ce qu’une cryptomonnaie ?, AMF).
En d’autres termes, une cryptomonnaie n’est pas une monnaie légale, n’est adossée à aucun actif tangible et n’est garantie par aucune autorité centrale.
Son fonctionnement repose sur un registre décentralisé – la blockchain – qui enregistre l’ensemble des transactions via un protocole crypté. Cette architecture empêche toute falsification, mais empêche également toute régulation classique.
Les exemples les plus connus sont le bitcoin, l’ether, le litecoin ou le ripple. Leur capitalisation fluctue rapidement, ce qui attire des investisseurs mais accroît aussi les risques de volatilité extrême. C’est pourquoi l’AMF renvoie vers un guide de précaution, soulignant que ces actifs « ne sont pas sans danger pour les épargnants » (Investir dans les crypto-actifs : attention aux risques, economie.gouv.fr).
En 2025, plus de 1 300 crypto-actifs circulent sur les marchés numériques. Ils ne sont pas interchangeables avec les monnaies traditionnelles dans les commerces courants, sauf exceptions très spécifiques (comme au Salvador, où le bitcoin est reconnu comme monnaie officielle).
Une frontière mouvante : vers une nouvelle forme de monnaie ?
Alors que les cryptomonnaies suscitent enthousiasmes et inquiétudes, les banques centrales étudient des solutions hybrides. C’est notamment le cas du projet d’euro numérique, porté par la BCE. Ce futur outil permettrait d’allier stabilité institutionnelle et flexibilité numérique.
Mais pour l’heure, le statut de la cryptomonnaie reste incertain : entre actif spéculatif, outil d’innovation financière et revendication politique de décentralisation, elle échappe aux catégories classiques.
Ce qui semble sûr, c’est que les mutations monétaires en cours redéfinissent les bases de la confiance économique, remettent en cause le monopole étatique sur la création monétaire et posent de redoutables défis en matière de régulation, de transparence et de souveraineté.