Microsoft supprime les API Bing pour imposer son intelligence artificielle

Microsoft mettra un terme, le 11 août 2025, à l’accès libre à ses API Bing Search (Application Programming Interfaces), privant les développeurs tiers de la possibilité d’exploiter ses résultats bruts. Ce changement, révélé par un simple courriel et une note en ligne, intervient alors que le groupe pousse agressivement ses solutions d’intelligence artificielle. Une transition technologique qui, sous couvert d’innovation, ressemble davantage à une reprise en main autoritaire de son écosystème.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 19 mai 2025 16h30
Microsoft supprime les API Bing pour imposer son intelligence artificielle
Azure AI, la nouvelle interface imposée par Microsoft : un système centralisé d’agents intelligents qui remplace l’accès direct aux données de recherche Bing, redéfinissant l’autonomie des développeurs. - © Economie Matin

Microsoft veut dominer la recherche… avec des agents IA

Officiellement, Microsoft cherche à « mieux répondre à la demande du marché pour des solutions d’IA ». En remplaçant les interfaces classiques d'accès à Bing par le service « Ancrage avec Recherche Bing » intégré aux agents Azure AI, l’entreprise impose une médiation algorithmique là où il y avait un accès direct. Donny Turnbaugh, porte-parole de l’entreprise, le dit sans détour dans des propos rapportés par Wired : « Microsoft désactive les API de recherche Bing alors qu’elle se réoriente vers une nouvelle offre, qui "répond mieux à la demande du marché en matière de solutions d’intelligence artificielle" ».

Concrètement, les API Bing servent à intégrer les résultats du moteur de recherche Bing dans des applications tierces, sans passer par l’interface classique du navigateur. Elles permettent aux développeurs de récupérer automatiquement, via une requête API, des informations issues du web, prêtes à être traitées ou affichées. Fini les résultats exploitables librement, place aux résumés générés par IA et aux intégrations verrouillées. Les développeurs qui utilisaient ces API pour créer des moteurs alternatifs n’ont qu’à se tourner vers les outils maison de Redmond, avec toutes les contraintes d’usage, de coût et de dépendance que cela implique.

Une décision qui exclut les petits acteurs

La coupure n’est pas simplement une évolution technique, c’est une mise à l’écart assumée des petits développeurs. « Ils mettent fin à la version en libre-service. », confirme Kamyl Bazbaz, porte-parole de DuckDuckGo. Seuls les partenaires les plus rentables conserveront un accès.

La manœuvre a pris de court de nombreux acteurs. Pour beaucoup, ces API constituaient la base de leur activité, leur permettant de s’épargner les coûts astronomiques liés à l’indexation du web. Brian Brown, cadre de Brave, résume la situation : « Microsoft envoie un signal clair ». Qui ne s’aligne pas sur la stratégie IA de Microsoft sera exclu.

Des alternatives encore immatures

Certains cherchent déjà à se détacher de cette dépendance. Mojeek, You.com, Brave… tous tentent de bâtir leur propre index. Mais la marche est haute, une armée de data scientists, des millions d’euros en serveurs, et des années d’ingénierie sont nécessaires pour espérer rivaliser avec Bing, et encore plus avec Google. Pour l’heure, ces moteurs alternatifs n’offrent pas la même robustesse fonctionnelle. Le développeur Colin Hayhurst de Mojeek se veut optimiste dans Wired : « Tout ce qui bouleverse le marché de la recherche est une bonne chose. ». Mais la réalité est plus nuancée. Les ressources limitées de ces startups contrastent avec la force de frappe industrielle de Microsoft.

Derrière les discours sur la modernité, une question s’impose. L’IA justifie-t-elle vraiment cette recentralisation du pouvoir ? Tim Libert, chercheur en cybersécurité qualifie le nouveau système de Microsoft de « monstruosité de l’intelligence artificielle », dénonçant sa complexité inutile et sa perte de contrôle pour les utilisateurs. Cette décision, qui coïncide avec le licenciement de 6 000 employés chez Microsoft, ressemble plus à une optimisation budgétaire et une recentralisation stratégique qu’à une avancée au service de l’utilisateur.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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