Accord Mercosur : la Coordination rurale vent debout contre Macron

L’Élysée entend-il réellement le grondement qui enfle dans les campagnes françaises ?

Axelle Ker
By Axelle Ker Published on 12 juin 2025 15h27
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Accord Mercosur : la Coordination rurale vent debout contre Macron - © Economie Matin

Le 5 juin 2025, à Paris, le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a publiquement exhorté Emmanuel Macron à conclure l’accord commercial entre l’Union européenne (UE) et les pays du MERCOSUR. De son côté, Emmanuel Macron, tout en soulignant que le texte actuel comporte des « risques pour l’agriculture des pays européens », a laissé entendre qu’il était prêt à avancer vers une signature d’ici à la fin de l’année. De quoi provoquer l’ire de la Coordination rurale, deuxième syndicat agricole français.

L'accord UE-MERCOSUR serait « fatal pour la production de protéines animales françaises »

Plus qu’un appel du pied, Luiz Inácio Lula da Silva, n’a pas dissimulé son impatience concernant la ratification du traité de libre-échange UE-MERCOSUR, dont les négociations ont été finalisées en décembre 2024 après plus de vingt-cinq ans de discussions. Depuis l’Élysée, le président brésilien a interpellé son homologue français : « Mon cher Macron, ouvrez un petit peu votre cœur pour cette possibilité de conclure cet accord avec notre cher Mercosur », estimant que ce traité serait « la meilleure réponse que nos régions puissent apporter face au contexte incertain créé par le retour de l’unilatéralisme et du protectionnisme tarifaire » (Le Monde, 5 juin 2025). Il a ensuite ajouté : « Je ne vais pas laisser la présidence du Mercosur sans un accord avec l’Union européenne ».

Officiellement, la France conserve une posture prudente. Emmanuel Macron a en effet rappelé que « cet accord […] fait porter un risque pour l’agriculture des pays européens ». Mais pour la Coordination rurale (CR), il s’agit d’une réserve de façade, le président n’ayant pas fermé la porte à une éventuelle signature de l’accord d’ici à la fin de l’année 2025.

Côté européen, il s’agit notamment d’exporter davantage de voitures, de machines et de spiritueux. Côté sud-américain, ce sont les produits agricoles qui bénéficieront d’un accès facilité au marché du Vieux continent : en tout, ce sont 25 000 tonnes de viande porcine (taxée à 83 euros la tonne), 99 000 tonnes de bœuf (taxées à 7,5 % contre 40 % actuellement), 180 000 tonnes de sucre, 180 000 tonnes de poulet sans aucun droit de douane, ainsi que 60 000 tonnes de riz et 45 000 tonnes de miel détaxées qui pourront entrer annuellement sur le marché européen, selon des quotas établis.

Préserver l'environnement et l'exception agriculturelle française

Pour la Coordination rurale, cet afflux de produits agricoles — soumis à des normes bien moins contraignantes que dans les pays de l'Union européenne — condamnerait l’élevage français à une disparition programmée. Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, alerte une nouvelle fois le gouvernement dans son communiqué du 9 juin 2025 : « Si cet accord (UE- MERCOSUR) est signé, la fermeture de nos abattoirs français va s’accélérer […] Ce serait un coup fatal pour la production de protéines animales françaises ». Elle s’inquiète également d’un effet domino : déséquilibre pour l’élevage laitier, perte de débouchés pour les bêtes de réforme, fragilisation de la filière sucrière, disparition progressive des circuits courts.

La Coordination rurale pointe par ailleurs directement du doigt ses confrères de la FNSEA, le premier syndicat agricole français, qu'elle accuse de soutenir un modèle contraire aux intérêts des petits producteurs :  « Les grands gagnants de ce traité seront les groupes de l’agro-industrie défendus par la FNSEA, comme Tereos ou Avril, qui sont déjà installés au Brésil ».

Le syndicat porté par sa présidente Véronique Le Floch' estime également que cet accord « encouragerait à terme la déforestation et l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre ». Loin des engagements climatiques de l’accord de Paris, ces importations massives de viande ou de soja risquent, selon elle, d’aggraver la crise environnementale. En ce sens, la Coordination rurale, dans son communiqué, exhorte le gouvernement à saisir la Cour de justice de l’Union européenne avant la ratification du traité par la Commission européenne.

Des promesses non tenues

Toutes ces critiques s’inscrivent dans un climat de défiance croissante entre le monde agricole et le gouvernement. Les promesses formulées par l’exécutif au plus fort de la mobilisation des agriculteurs, début 2024, semblent aujourd’hui bien lointaines. Ces dernières semaines, les professionnels ont encaissé plusieurs revers. La Coordination rurale a notamment dénoncé ce qu’elle qualifie de « dénaturation inquiétante » de la proposition de loi portée par le sénateur Laurent Duplomb. L’un des amendements, qui visait à faciliter le stockage de l’eau, a été retiré. Un second, proposant une dérogation pour l’usage de l’acétamipride - un insecticide interdit en France depuis 2018 alors qu'il est autorisé dans tous les autres pays de l'UE - n’a pas été supprimé, mais paraît de plus en plus menacé sous la pression des ONG et des élus écologistes.

Pour la Coordination rurale, mis bout à bout, ces éléments illustrent une dynamique plus large de remise en cause de la souveraineté agricole française. Christian Convers, secrétaire général du syndicat, en appelle une nouvelle fois au gouvernement : « Pour protéger l’agriculture, il faut à tout prix sortir des accords de libre-échange internationaux pour être en cohérence avec l’ambition de souveraineté affichée dans la récente loi d’orientation agricole ». Et de conclure : « C’est ce que nous appelons, depuis la création de notre syndicat, l’exception agriculturelle »

Axelle Ker

Diplômée en sciences politiques et relations internationales, journaliste chez Économie Matin & Politique Matin.

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