Le ministère de la Santé a annoncé, à grand renfort de communication, la publication du décret n° 2025-468 du 28 mai 2025, présenté comme une avancée historique pour les médecins à diplôme hors Union européenne (PADHUE) en poste en France.
Médecins extra-européens : le décret aggrave la précarité et ferme toute perspective d’intégration

En réalité, ce décret ne régularise rien.
Il remplace un système opaque par un concours théorique verrouillé, déconnecté de notre exercice quotidien et vidé de tout lien avec la réalité du terrain.
Si le ministre avait réellement souhaité régulariser les praticiens déjà en poste, il aurait tenu parole : celle d’évaluer les médecins au sein même des services dans lesquels ils exercent, là où leurs compétences sont reconnues chaque jour. Mais cela n’a pas été fait – et pour cause : une telle évaluation aurait vraiment montré nos compétences.
Le décret crée une prétendue « voie interne », réservée aux praticiens en poste, mais fondée uniquement sur une épreuve théorique en QCM, identique à celle du concours classique.
L’épreuve dite « pratique », déjà contestable dans sa forme antérieure (un cas clinique sur dossier), est purement et simplement supprimée.
Quant à l’avis du chef de service, exigé pour pouvoir concourir, il n’est pris en compte à aucun moment dans l’évaluation finale.
Le jury conserve le pouvoir de fixer la barre d’admission après l’épreuve, et peut modifier à sa guise le nombre de lauréats, indépendamment du nombre de postes ouverts.
Ce mode de sélection reproduit exactement les dérives déjà dénoncées :
- Barèmes secrets
- Notes minimales fluctuantes selon la spécialité
- Aucune possibilité de recours pour les exclus
Même des confrères ayant obtenu 18/20 à l’épreuve théorique en 2024 doivent repasser !
Pourquoi ? Pour viser 21/20 ?
Pendant ce temps, ces médecins exercent, à temps plein, depuis 4 à 6 ans, dans des services en tension : urgences, psychiatrie, médecine polyvalente, EHPAD, SSR. Ils soignent, forment, prennent des responsabilités, et assurent la continuité des soins là où les hôpitaux peinent à recruter.
Mais dans cette réforme :
- L’expérience réelle ne vaut rien ;
- L’avis des équipes encadrantes ne vaut rien ;
- Le service rendu aux patients ne vaut rien.
Et lorsque certains osent nous dire : « vous voulez être régularisé sans preuve d’aptitude ? »
La réponse est simple :
- soit nous avons exercé illégalement pendant des années ;
- soit nous avons été exploités par un système hypocrite, qui nous juge indispensables, mais jamais légitimes.
Ce décret a été adopté sans la moindre concertation avec les PADHUE concernés. Il intervient quelques mois après une grève de la faim de 10 jours, menée dans le silence complet du ministère. Et aujourd’hui, il est présenté dans les médias comme une réponse à la crise, alors qu’il aggrave la précarité et ferme toute perspective d’intégration durable.
Les mêmes médecins qui tiennent debout l’hôpital public sont invités à concourir entre eux dans une nouvelle mise en scène technocratique.
Une mise en scène qui ressemble davantage à une opération de tri administratif qu’à une reconnaissance de compétence.
Nous sommes aujourd’hui des milliers de médecins diplômés hors UE en exercice, et nous refusons d’appeler cette réforme une régularisation. Elle ne reconnaît rien, ne répare rien, et n’a qu’un effet : institutionnaliser l’exclusion de ceux qui sont déjà là, compétents, engagés, et indispensables.