Des marchés actions portés par la mécanique… et non par la macroéconomie!

Début avril, nous soulignions que le marché offrait un point d’entrée attrayant. Force est d’admettre qu’il nous aura pris de vitesse… et qu’en l’espace de trois semaines, les portefeuilles vol-target, les CTA et les stratégies momentum, jusqu’alors allégés, se sont réexposés d’un bloc.

Draymond
By Dorian Raimond Published on 16 juin 2025 4h00
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Des marchés actions portés par la mécanique… et non par la macroéconomie! - © Economie Matin
0,6%La Banque de France prévoit une croissance de 0,6% en 2025.

L’impulsion technique l’a emporté et les flux acheteurs se sont nourris d’eux-mêmes, poussant les indices vers leurs sommets antérieurs alors même que l’environnement macroéconomique ne s’améliorait pas véritablement. Ce décalage entre la mécanique de marché et les fondamentaux mérite aujourd’hui un examen attentif.

Une fragilité entretenue par des tensions commerciales persistantes

La trajectoire budgétaire américaine reste la principale source d’inquiétude, avec une dette fédérale qui croît plus vite que le PIB, ce qui n’a d’ailleurs pas échappé à Moody’s, qui a abaissé la note souveraine des Etats-Unis alors qu’aucun plan crédible de consolidation ne semble aujourd’hui envisagé.

Dans ce contexte, le rendement du Treasury 30 ans a franchi puis consolidé au-delà de 5 %, ce qui montre qu’un seuil psychologique a cédé , avec l’idée d’un « plafond » qui paraît désormais révolue. En comparaison, le ratio dette/PIB et le déficit budgétaire de la zone euro semble presque frugal.

Dans le même temps, les tensions commerciales persistantes ajoutent à la fragilité. Les surtaxes entre Washington, Bruxelles et Pékin ne sont suspendues encore que temporairement, et les derniers jours ont montré combien les rumeurs puis les démentis pouvaient faire vaciller les marchés. De telles oscillations soulignent combien la visibilité des entreprises — et donc la durabilité de leurs marges — dépend d’accords toujours susceptibles d’être remis en cause.

Côté microéconomique, les résultats de l’IA, de la tech et des semi-conducteurs ont, pour l’heure, dépassé les attentes. Néanmoins, la question est moins celle du trimestre écoulé que de la pérennité de ces performances si d’aventure les programmes d’« on-shoring » américains ou de nouvelles barrières douanières venaient alourdir les coûts de production et contracter la demande mondiale.

Face à une équation « 30 ans au-dessus de 5 % / déficit budgétaire en hausse », la menace n’est pas tant le défaut formel que la rupture de confiance, avec une dynamique dans laquelle chaque point de base supplémentaire accroît la charge d’intérêts, accentuant le besoin d’émission, donc la pression sur les taux. Dans ce contexte, engranger une partie des gains tactiques et chercher des relais de performance moins corrélés devient, à nos yeux, la voie à suivre.

Où se loger ? Les produits structurés continuent de séduire

À l’ère des taux zéro, les produits structurés permettaient d’aller grappiller quelques points de rendement. Aujourd’hui, la hausse des taux en fait un outil de revenu visible et, paradoxalement, moins sensible aux à-coups de marché. Notons notamment l’essor important en France des notes à capital garanti indexées sur un taux CMS 10 ans, qui se placent autour de 7 % en euros. S’il est essentiel de rappeler que la garantie joue à échéance, le prix en cours de vie reste quant à lui volatil. Alors pourquoi ces supports sont-ils tant plébiscités aujourd’hui?

Les coupons de ces produits CMS restent bien conditionnels à une remontée des taux limitée par rapport aux niveaux actuels, mais la décorrélation croissante entre les taux américains et européens est ici déterminante. Et pour cause: si les pressions désinflationnistes qui s’accentuent en Chine venaient à gagner l’Europe, les CMS en euro pourraient fléchir, tandis que les Treasuries resteraient tendus.

L’essor actuel des solutions structurées s’explique également par la déception suscitée par d’autres supports considérés comme prudents. En 2022, les fonds immobiliers et obligataires, pourtant jugés « sécurisants », ont ainsi essuyé des pertes marquées lorsque les taux se sont envolés. De fait, les produits à capital garanti comblent désormais le vide laissé par ces placements dans l’allocation des investisseurs.

D’une manière générale, les produits structurés actions défensifs constituent une alternative aux positions directionnelles classiques, permettant de viser des coupons annualisés élevés, même si les indices stagnent ou reculent modérément. Dans un environnement où la trajectoire obligataire est incertaine et où les valorisations actions intègrent déjà beaucoup d’optimisme, privilégier ce type de profils revient à échanger une partie du potentiel haussier contre une probabilité accrue de performance contractuelle.

Au bout du compte, le mouvement haussier déclenché mi-avril provient avant tout d’un rééquilibrage forcé des portefeuilles, et non d’un changement de toile de fond macroéconomique. Or, cette toile reste dominée par un endettement américain sans trajectoire crédible et par des négociations commerciales toujours à la merci d’une annonce de surenchère inattendue, avec un moteur de croissance et rentabilité porté par l’IA.

Après un tel rebond, et au vu de son pourquoi, il paraît raisonnable de convertir une partie des gains en revenus contractuels, en attendant que le brouillard se dissipe.

Draymond

Directeur du Trading et de la Stratégie obligataire chez Hilbert Investment Solutions

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