Bail réel solidaire : l’illusion d’un logement accessible pour tous ?

Acheter un logement neuf pour moitié prix, devenir propriétaire sans foncier : derrière cette promesse à bas bruit, un mécanisme méconnu commence à se faire une place dans les grandes villes. Mais entre redevances, conditions strictes et perspectives encadrées, le bail réel solidaire (BRS) est-il vraiment la clé de l’accession pour tous ?

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By Rédaction Published on 10 mai 2025 15h00
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Bail réel solidaire : l’illusion d’un logement accessible pour tous ? - © Economie Matin
30Un logement neuf 30 à 50% moins cher avec le bail réel solidaire.

Le bail réel solidaire, un dispositif qui est toujours marginal dans le paysage immobilier français. En dissociant le foncier du bâti, le BRS s’adresse à ceux que le marché exclut : les ménages modestes. Pourtant, dix ans après son apparition, il reste un outil réservé à une frange du public, complexe à manier et porteur d’obligations rigides.

Acheter un logement neuf grâce au bail réel solidaire

Le bail réel solidaire est un mécanisme qui permet à des ménages aux revenus plafonnés de devenir propriétaires du logement sans en posséder le terrain. Le foncier reste la propriété d’un organisme de foncier solidaire (OFS), structure à but non lucratif agréée par l’État. Le bâti est vendu à un prix encadré, généralement 30 à 50 % moins cher que le prix du marché.

Le dispositif a été introduit par l’ordonnance du 20 juillet 2016 dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Objectif affiché : faciliter l’accession sociale à la propriété, notamment dans les zones tendues.

Selon le ministère du Logement, « environ 87 % des personnes résidant en France sont aujourd’hui éligibles », grâce à un relèvement des plafonds de ressources en 2024, d'après Actu.fr, 3 mai 2025.

Bail réel solidaire : mode d’emploi et conditions d'accès

Pour prétendre à un achat via BRS, l'acquéreur doit :

  • Respecter des plafonds de ressources variables selon la zone géographique (zones A, B1, B2, C).
  • S’engager à vivre dans le bien en tant que résidence principale.
  • Ne pas le louer, sauf exceptions très encadrées.
  • Verser une redevance mensuelle foncière à l’OFS, en plus du remboursement du crédit immobilier.

Un simulateur officiel permet de vérifier son éligibilité. Mais ces conditions strictes ne s’arrêtent pas là : en cas de revente, la plus-value est plafonnée par l’OFS, qui garde un droit de préemption.

L'universitaire Claire Carriou, spécialiste en urbanisme, le rappelle pour actu.fr : « Dans beaucoup de cas, ça se fait d'abord par renoncement à l'accession libre en pleine propriété ». Et pour cause, le logement BRS n’est jamais totalement libéré de ses attaches institutionnelles.

Un outil utile… mais pas sans limites

Sur le papier, le bail réel solidaire coche toutes les cases : prix cassés, accès élargi, vocation sociale. Dans la réalité, il reste méconnu, complexe et parfois mal perçu.

Dans les Hauts-de-Seine, la Coop Foncière mène plus de deux tiers des projets BRS de la région, avec 2 200 logements engagés dans 50 commune, d'après Le Parisien, 24 avril 2025). À Colombes, un couple a pu acheter un 90 m² avec terrasse en optant pour ce modèle. « Je n’avais pas un pouvoir d’achat suffisant », explique Olivier, fonctionnaire de 47 ans.

Mais l’expérience n’est pas toujours aussi limpide. François Mouaze, lui, a acheté à Rennes pour 225 000 euros, soit moitié prix du marché. Une aubaine, mais aussi un engagement sur 99 ans auprès de l’OFS. « Ce n’était pas gagné avec nos salaires », confie-t-il (Actu.fr).

Le bail réel solidaire : avenir ou impasse du logement social ?

Alors que le gouvernement ambitionne de généraliser le dispositif à l’ensemble des régions d’ici 2028, des constructions sont déjà en cours en Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes et Île-de-France. Rennes, Lille, Colombes : les villes pionnières montrent qu’il existe une demande… mais aussi des doutes.

À commencer par la difficulté à comprendre l’ensemble des règles, la rigidité du contrat et l’absence d’autonomie sur la revente. De quoi faire du BRS moins un outil de mobilité sociale qu’un refuge temporaire pour des ménages sans alternative.

Et surtout, rien n’est gratuit : entre la redevance mensuelle, l’entretien, la taxe foncière partagée et les frais de copropriété, l’addition peut vite s’alourdir, même à moitié prix.

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