Les satellites Starlink perturbent gravement la radioastronomie

Un rapport publié le 10 juin 2025 par le projet australien Square Kilometre Array (SKA) a mis en lumière un phénomène jusqu’ici négligé. Les satellites Starlink, en orbite basse autour de la Terre, perturbent gravement les relevés des radiotélescopes. Ces interférences ne sont pas volontaires, mais leur impact sur l’astronomie est d’ampleur planétaire. C’est un signal d’alarme pour les scientifiques, et peut-être le début d’un bras de fer entre les ambitions commerciales et la recherche fondamentale.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Published on 13 juin 2025 18h00
Les satellites Starlink perturbent gravement la radioastronomie
Les satellites Starlink perturbent gravement la radioastronomie - © Economie Matin

Starlink inonde le ciel d’émissions radio indésirables

Les satellites Starlink, déployés en masse par SpaceX pour fournir un accès Internet global, émettent des signaux bien au-delà de leur spectre d’émission prévu. Une équipe d’ingénieurs du SKA-Low, le volet basse fréquence du radiotélescope SKA, a mené une étude d’un mois sur près de 76 millions d’images. Résultat, 112 534 intrusions de satellites Starlink ont été identifiées, représentant 30 % des images captées. Ces signaux relèvent de ce qu’on appelle des émissions électromagnétiques non intentionnelles (UEMR).

Ce ne sont pas des messages dirigés, mais des fuites générées par les systèmes électroniques ou de propulsion. Cela suffirait à ruiner des observations cosmologiques. Et dans un monde où l’on traque les échos de la création, chaque parasite compte. Selon le pré-print de l’étude (arXiv:2506.02831), certaines de ces émissions se logent dans des bandes pourtant protégées par la réglementation internationale : de 73 à 74,6 MHz, et de 150,05 à 153 MHz. Ces plages sont vitales pour détecter les signaux les plus faibles de l’univers, ceux de l’Époque de la Réionisation, quand les premières étoiles ont illuminé le cosmos.

Des satellites Starlink aussi puissants que les étoiles ?

La puissance des émissions observées par les chercheurs dépasse l’entendement. Certains pics atteignent 10⁶ Janskys/beam (l’unité utilisée pour quantifier l’intensité des signaux radio), soit l’équivalent des sources astronomiques naturelles les plus brillantes. Une mesure moyenne autour de 93 Jy/beam a été relevée, alors que les signaux recherchés sont souvent 100 000 fois plus faibles. Le professeur Steven Tingay, coauteur de l’étude, souligne dans Futurism : « Si l’on examine la puissance des signaux produits par ces émissions non intentionnelles, il n’est pas rare qu’elle soit comparable à celle des sources radio naturelles les plus brillantes dans le ciel. »

Ces satellites, censés nous relier à Internet, brouillent aussi la lecture de l’univers. Les satellites renvoient vers la Terre des émissions FM captées dans la bande 99,7 MHz, ce qui correspond aux fréquences commerciales. Même les radiotélescopes installés dans des zones "silencieuses" ne sont plus à l’abri. Le professeur Tingay a ajouté dans Universe Magazine : « Imaginez : vous observez de puissantes sources radio, vous en ajoutez une multitude d’artificielles, et vous les faites bouger en permanence. Cela a un impact énorme… ».

Un vide juridique à la hauteur de l’orbite

Si les émissions détectées dans les bandes protégées sont réelles, pourquoi SpaceX ne tombe-t-il pas sous le coup de la loi ? Parce que les régulations internationales ne concernent que les émissions intentionnelles. Une absurdité que les chercheurs du SKA dénoncent dans leur rapport.

Le régime du spectre électromagnétique, dominé par l’Union internationale des télécommunications (UIT), n’a pas encore intégré la réalité des méga-constellations de satellites et de leurs effets secondaires. Pendant ce temps, des milliers d’émetteurs mobiles continuent de s’accumuler en orbite, hors de portée des juristes.

SKA-Low contre Starlink : la science dos au mur

Le Square Kilometre Array, encore en construction, est destiné à devenir le radiotélescope le plus puissant du monde. Sa mission est de remonter le fil du temps jusqu’aux premières structures cosmiques. Il est composé de milliers d’antennes au sol, organisées comme une forêt métallique dans le désert australien, spécifiquement conçues pour capter les signaux les plus faibles.

Mais pour y parvenir, le SKA-Low a besoin de silence radio. Et ce silence est aujourd’hui envahi par un brouhaha orbital, contre lequel les chercheurs ne peuvent rien. Chaque satellite Starlink qui passe ajoute une couche de bruit. Et demain, ce ne seront pas 7 600 appareils en orbite, mais peut-être plus de 40 000, si le plan de déploiement est mené à terme.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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