Promu au rang d’indicateur officiel, l’indice de durabilité s’invite dans les rayons électroménagers dès ce 8 avril 2025. Derrière cette étiquette, une ambition : forcer les fabricants à rendre leurs lave-linge plus résistants, plus accessibles à la réparation, et surtout plus transparents. Une petite révolution pour les consommateurs… et un casse-tête pour les industriels.
Lave-linge : un indice de durabilité obligatoire pour mieux choisir
Depuis ce 8 avril 2025, l’indice de durabilité est devenu obligatoire pour tous les lave-linge neufs vendus en France. Issu de la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire), il succède à l’indice de réparabilité mis en place en 2021. Ce nouvel indicateur promet de mieux orienter les consommateurs, en leur offrant une évaluation chiffrée de la longévité potentielle de leurs appareils électroménagers. Mais que mesure-t-il réellement ? Et surtout, est-il capable de faire plier une industrie peu encline à saborder ses obsolescences programmées ?
Premier choc visuel : un score sur 10 et des couleurs qui piquent
Le lave-linge sera désormais noté comme un mauvais élève ou un champion de longévité, avec une note sur dix accompagnée d’un code couleur, du marron pour les pires au vert pour les plus vertueux. Ce nouveau système se veut plus exhaustif : contrairement à l’indice de réparabilité, qui ne jaugeait que la facilité de réparation, l’indice de durabilité intègre la réparabilité de l’appareil et sa durée de vie, avec des critères sur la robustesse, de résistance aux contraintes et à l’usure.
Ce nouvel indice de durabilité, codifié à l’article L541-9-2 II du Code de l’environnement, repose sur deux blocs pondérés à égalité : la réparabilité d’un côté (démontabilité, prix et disponibilité des pièces détachées), la fiabilité de l’autre (résistance à l’usure, qualité de la documentation, existence d’un compteur d’usage ou d’une garantie moteur).
Pour atteindre les meilleures notes, les machines doivent supporter plus de 3.400 cycles de lavage en conditions de test. Et attention : les évaluations ne sont pas faites par les marques elles-mêmes, mais via des tests standardisés selon des méthodologies européennes, surveillées par la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF).
Résultat immédiat : les consommateurs votent pour les bons élèves
À peine en place, l’indice de durabilité semble déjà influencer les comportements. Selon les données communiquées par les adhérents du Gifam, « en 2024, la croissance des ventes en valeur de lave-linge, c’était 4%, la croissance des ventes de lave-linge notés plus de 8/10, c’était 30% », assurait Olivia Guernier, la déléguée générale du Gifam, sur France Bleu.
Ce glissement vers des appareils mieux notés n’est pas une surprise. D’après une étude relayée par le syndicat, 84% des acheteurs se disent prêts à payer davantage pour un produit plus durable. Une disposition d’autant plus logique que le prix moyen d’un lave-linge neuf tourne autour de 420 euros, pour une durée de détention moyenne de 11 ans.
Réparabilité et durabilité : deux indices, une confusion temporaire
Le remplaçant ne tue pas encore son prédécesseur. Car si les lave-linge sont désormais soumis à l’indice de durabilité, d’autres produits — smartphones, aspirateurs ou ordinateurs portables — restent pour l’instant évalués uniquement via l’indice de réparabilité. Un dédoublement qui pourrait semer la confusion dans l’esprit des clients. Rappelons que l’indice de réparabilité — toujours affiché — se limite à cinq critères liés à la maintenance : accès à la documentation, démontabilité, disponibilité, prix et délais des pièces. Le nouveau système va plus loin, en interrogeant la qualité structurelle des appareils.
Mais cette période de chevauchement ne devrait pas durer. Dès 2026, d’autres produits adopteront à leur tour l'indice de durabilité : les sèche-cheveux, les perceuses, les robots culinaires… En un mot : la généralisation est en marche.
Une mécanique vertueuse… sous surveillance
Si l’indice de durabilité représente un saut qualitatif dans l’information au consommateur, sa crédibilité dépendra de deux leviers : la rigueur du contrôle et la transparence sur le calcul des notes.
C’est précisément pour cela qu’un détail par critère est exigé par la réglementation, accessible en ligne sur le site Service-public. Les distributeurs ont l’obligation d’afficher la note de manière lisible, y compris dans leurs interfaces de vente en ligne, sans clic supplémentaire. Côté sanctions, la DGCCRF est chargée de vérifier le respect des règles. Et le décret publié le 5 avril 2024 prévoit des amendes administratives pour les contrevenants.
La France pionnière ? Oui, mais pas seule longtemps
La France joue ici un rôle pionnier : aucun autre pays au monde n’a encore imposé un tel indice, à la fois quantifié, visible et opposable. Mais Bruxelles n’est pas loin. Un indice européen d’écoconception, actuellement à l’étude, pourrait standardiser ce type d’évaluation à l’échelle du continent. D’ici là, l’indice de durabilité marque un tournant : celui où les lave-linge « jetables » pourraient enfin devenir une anomalie, et non la norme.