Justice des mineurs : le texte censuré, la claque pour Attal

Le Conseil constitutionnel a infligé un sérieux revers politique à Gabriel Attal. Derrière une décision technique, c’est toute la philosophie d’un projet de durcissement judiciaire qui est remise en cause. Et la justice des mineurs conserve, pour l’heure, ses fondements éducatifs.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 20 juin 2025 6h04
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attal, chômeur, tf1, premier ministre, déficit, dette, gouvernement, droits - © Economie Matin
3,6% 44 800 auteurs mineurs ont été poursuivis en 2022, nombre en baisse de 3,6 % par rapport à 2021

Le 19 juin 2025, le Conseil constitutionnel a rendu une décision particulièrement attendue sur la loi portée par l’ancien Premier ministre désormais député Gabriel Attal visant à durcir la justice des mineurs. Ce texte, adopté mi-mai 2025 par le Parlement, ambitionnait notamment de limiter l’« excuse de minorité » et de permettre des comparutions immédiates pour les jeunes délinquants. Mais la haute juridiction a censuré plusieurs articles centraux, réaffirmant les principes constitutionnels qui encadrent le traitement pénal des mineurs. La jeunesse au pas comme en rêvent Gabriel Attal, Gérald Darmanin et Bruno Retailleau, ce n’est pas pour demain (et ce n’est pas très français).

Un texte au cœur des tensions sur la justice des mineurs

Le projet de loi, présenté par l’ancien Premier ministre Gabriel Attal et soutenu par le ministre de la Justice Gérald Darmanin, entendait réformer en profondeur le traitement judiciaire des jeunes. L’objectif affiché : renforcer « l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents », rappelle Le Figaro

Mais cette orientation heurtait de front les principes fondateurs de la justice des mineurs en France. La loi proposait, entre autres, de faire de l’atténuation des peines une exception – et non plus une règle – pour les récidivistes de plus de 16 ans, dans les cas passibles d’au moins cinq ans de prison. Un changement majeur, qui inversait le principe constitutionnel selon lequel « un mineur est sanctionné moins sévèrement qu’un majeur », souligne le HuffPost.

La réponse du Conseil constitutionnel a été sans ambiguïté : cette inversion « méconnaît le principe de l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, qui est une exigence constitutionnelle ». En somme, Gabriel Attal comme le Garde des Sceaux ont créé un texte qui est totalement contraire à la Constitution française… Un échec cuisant, qui aurait pu être évité avec un peu plus de reflexion.

La censure ciblée d’une justice trop répressive contre les mineurs

Au total, six articles du texte ont été censurés, dont un partiellemen. Parmi eux figurent plusieurs dispositifs-clés : la comparution immédiate des jeunes récidivistes à partir de 16 ans, ou encore la création d’une procédure d’audience unique.

Sur ce point, les Sages ont estimé que ces mesures « contrevenaient aux principes fondamentaux de la justice des mineurs, qui exigent la mise en place de procédures appropriées à la recherche du relèvement éducatif et moral », relate BFMTV. Ces principes trouvent leur origine dans l’ordonnance du 2 février 1945, pilier historique de la justice des mineurs. Le Conseil constitutionnel a réaffirmé que la primauté de l’éducatif sur le répressif constitue une exigence à valeur constitutionnelle.

Un coup dur pour Attal qui vise l’Elysée

Ce projet de loi, présenté comme un marqueur politique fort en vue de la présidentielle de 2027, représentait un enjeu personnel pour Gabriel Attal. Son rejet partiel constitue un revers majeur. Le Parisien souligne que l’ex-chef du gouvernement espérait incarner une ligne sécuritaire « réactive et pragmatique » sur les questions de délinquance juvénile. Mais les critiques ont afflué, notamment à gauche : députés socialistes, communistes, écologistes et Insoumis avaient dénoncé une législation « populiste, simpliste et dangereuse », et promis de saisir le Conseil Constitutionnel.

En réaction à la décision, le groupe EPR (ex-Renaissance) a tenté de sauver la face : « La décision valide un bloc particulièrement important du texte concernant la responsabilité parentale en matière de délinquance des mineurs » relaye Le Parisien. Un élément non négligeable, mais largement occulté par l’ampleur de la censure.

Des articles validés, mais éclipsés par la polémique

Tous les éléments du texte n’ont pas été annulés. Le Conseil a notamment validé un article créant une circonstance aggravante si un parent, en négligeant ses obligations légales, pousse un enfant à commettre un délit. Mais ces dispositions secondaires n’ont pas suffi à masquer l’échec de la réforme dans sa philosophie générale.

La décision rendue par les Sages montre à quel point les équilibres constitutionnels restent sensibles lorsqu’il s’agit de la justice des mineurs. Tout durcissement pénal, même partiel, doit se heurter à une exigence d’adaptation éducative, inscrite dans le marbre juridique depuis près de 80 ans.

La censure de la loi Attal par le Conseil constitutionnel ne constitue pas seulement une défaite politique. Elle révèle une ligne de fracture persistante entre les tentations répressives d’une partie de l’exécutif et les fondements juridiques d’une justice des mineurs tournée vers la réinsertion. Le débat est loin d’être clos, mais le droit, pour l’heure, a tranché.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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