En ce 1er mai 2025, ÉconomieMatin célèbre son treizième anniversaire dans sa version numérique. Mais surtout, 21 ans depuis le lancement du journal gratuit à distribuer dans le métro parisien. Vingt et une années qui ont vu l’économie française – et mondiale – changer du tout au tout.
Jean-Baptiste Giraud : 13 ans d’ÉconomieMatin, « ce que nous avons traversé, aucun roman ne l’aurait prévu »

Crises, réformes, déficits, plans de relance, colères sociales, croissance molle, chocs inflationnistes… Ce que nous avons traversé, aucun roman ne l’aurait prévu sans se faire rire au nez. Ce que nous avons réussi, parfois dans la douleur, ou mérite d’être raconté. Et ce que nous n’avons pas encore affronté, hélas, nous attend au tournant.
Voici donc le récit sans langue de bois de 21 années d’économie française.
2004-2007 : Les années d'avant la chute
La France, en 2004, affichait un PIB en croissance modeste mais stable : +2 % en moyenne. Le chômage, autour de 9 %, reculait lentement. La dette publique, elle, était contenue à 65 % du PIB. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, préparait déjà son ascension vers l’Elysée.
On testait le fameux "Contrat nouvelle embauche" (CNE), pensé pour dégripper le marché du travail, puis le tristement célèbre "Contrat première embauche" (CPE), torpillé dans la rue. Le gouvernement pensait encore pouvoir réformer par le haut, en mode Napoléon III. Il allait apprendre qu’on ne change pas un Code du travail gravé dans le marbre sans payer l’addition.
Mais la machine mondiale s'emballait. Les subprimes américains boursouflaient la bulle immobilière. En France, les premiers signes d’essoufflement étaient là. On les a superbement ignorés.
2008-2012 : Effondrement, dette, et réveil brutal
2008 : Lehman Brothers dépose le bilan. Le monde vacille. La France, comme ses voisines, bascule dans la récession.
En 2009, le PIB plonge de 2,6 %. Du jamais vu depuis 1945. Le chômage remonte à 10 %, la consommation résiste à peine. Les plans de relance se multiplient : 26 milliards d'euros sont dégainés à coups de primes à la casse, d'investissements publics, de soutien aux entreprises.
Mais les digues sautent. En trois ans, la dette passe de 65 % à 85 % du PIB. L’Europe entre en crise de la dette souveraine. La France évite la zone rouge, mais sa note AAA commence à trembler.
François Fillon annonce que "l’État est en faillite". Une phrase qui fera date. En 2010, pour sauver les retraites, on repousse l’âge de départ à 62 ans. Colères dans la rue. Mais la réforme passe.
En 2012, François Hollande arrive au pouvoir. Il promet de réorienter l’Europe, de créer des emplois jeunes, de taxer les riches à 75 %. Et il va vite comprendre que la réalité budgétaire est une camisole.
2013-2016 : Compromis, flexibilité, et fin des illusions
Le quinquennat Hollande bascule dans la rigueur à contrecœur. Le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) injecte 20 milliards par an dans les entreprises. Le Pacte de responsabilité suit. Mais les résultats sont longs à venir.
En 2014, Emmanuel Macron entre au gouvernement. En 2015, sa loi « Croissance et Activité » libéralise certains secteurs, autorise le travail du dimanche, plafonne les prud'hommes.
Puis vient la loi El Khomri en 2016. Plus de souplesse dans les licenciements, plus de place aux accords d’entreprise. Mais une contestation sociale à la hauteur du choc. Nuit Debout, place de la République. Hollande s’use.
Le chômage plafonne à 10,5 % en 2013, redescend lentement vers 9,5 %. La croissance stagne entre 0,3 et 1,2 %. L’Europe est figée, engluée dans les taux nuls et l’obsession d’une inflation introuvable.
2017-2019 : Start-up nation, ISF, et Gilets Jaunes
2017 : Emmanuel Macron élu président. Il promet de réformer "en même temps" l’État, le travail, la fiscalité. Et il commence tambour battant.
- ISF supprimé, remplacé par l'IFI.
- Flat tax à 30 % sur les revenus du capital.
- Ordonnances travail : fusion des IRP, barème aux prud'hommes, accord d'entreprise prévalant sur la branche.
- Loi PACTE : seuils sociaux simplifiés, privatisation de la FDJ.
Les résultats ? +2,4 % de croissance en 2017. Chômage sous les 9 %. Mais l’inégalité perçue explose. La taxe carbone prévue sur les carburants met le feu aux poudres.
Novembre 2018 : les Gilets Jaunes. Colère des oubliés, des périphéries. Macron recule. 10 milliards pour les bas salaires, les retraités modestes, les heures sup défiscalisées. Mais l’image du réformateur sérein vacille.
2019 : accalmie relative. Croissance à 1,5 %, inflation contenue, mais le malaise reste. Le pays ne se parle plus qu'à travers des réseaux sociaux en guerre.
2020-2021 : Le Covid, l’arrêt cardiaque de l’économie
Février 2020 : le coronavirus arrive. Mars : confinement. Avril : l’économie s’écroule.
- PIB : –7,9 % en 2020
- Déficit : –9 %
- Dette : 123 % du PIB
Mais l’État sort le bazooka : "quoi qu’il en coûte". Activité partielle massivement prise en charge. Prêts garantis par l’État. Fonds de solidarité pour les TPE.
Résultat : pas de tsunami de faillites. Le tissu économique tient. En 2021, la reprise est spectaculaire : +6,8 % de croissance. Le chômage revient à 7,9 %. Le "1 jeune 1 solution" permet d’éviter une génération sacrifiée.
Mais la facture est lourde. Et le choc logistique mondial enclenche un retour de l’inflation.
2022-2023 : Ukraine, inflation, et nouvelle réforme explosive
Février 2022 : la Russie envahit l’Ukraine. L’Europe paie le prix fort. Gaz, pétrole, blé : tout flambe. L’inflation grimpe à 5,2 %, puis 6,1 %.
Le gouvernement bloque les tarifs du gaz (+4 %), met une ristourne à la pompe. Mais le pouvoir d’achat est laminé. Pourtant, la croissance tient (à 2,5 %), et le chômage descend à 7,3 %.
2023 : nouveau coup de tonnerre. Réforme des retraites. L’âge légal passe à 64 ans. Le 49.3 est utilisé. Manifestations massives. Mais le texte est promulgué. La France reste divisée.
2024-2025 : Réindustrialisation verte et cap sur le futur
Le gouvernement relance l’investissement industriel avec le plan France 2030, la loi Industrie verte, et le développement du nucléaire. Le plein emploi (5 %) devient un objectif assumé.
Mais la dette reste au-dessus de 110 % du PIB, les taux d’intérêt ont quadruplé en 2 ans, et les finances publiques sont sous haute tension. La France avance, mais avec un sac à dos lesté de 3 100 milliards de dettes. La croissance ralentit à 1 %, mais l’industrie recrute, la transition écologique s’accélère.
Et maintenant ?
Vingt et une années d’histoire économique, rythmées par des crises, des réformes, des expérimentations, des erreurs parfois, des leçons souvent. L’État providence a été sauvé par l’intervention massive de la BCE. Le marché du travail a été libéralisé. Le poids des impôts a changé de cible.
Et pendant ce temps, ÉconomieMatin, indépendant, mordant, vous a informé. À contre-courant parfois. Bon anniversaire à nos lecteurs et à nos collaborateurs. Continuons à regarder l’économie droit dans les yeux.
Jean-Baptiste Giraud