L’Industrie du tabac et la manipulation de l’opinion : démasquer les tactiques de Philip Morris International

Depuis quelques jours, Philip Morris International (PMI) tente une fois de plus de manipuler l’opinion publique avec un rapport affirmant que près de la moitié des cigarettes consommées en France proviendraient du marché parallèle. Un chiffre alarmant, mais totalement infondé, fabriqué dans le seul but de saper les politiques de santé publique. Pourquoi accorder du crédit à une industrie dont le seul objectif ultime est de rendre ses clients dépendants au point qu’un sur deux y perdra la vie ?

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By Loïc Josseran Published on 13 juin 2025 10h31
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L’Industrie du tabac et la manipulation de l’opinion : démasquer les tactiques de Philip Morris International - © Economie Matin
25%Moins d’un quart des adultes de 18 à 75 ans fument quotidiennement

Aujourd’hui, la prévalence du tabagisme quotidien en France est à son niveau le plus bas : moins d’un quart des adultes de 18 à 75 ans fument quotidiennement. Chez les jeunes, ce recul est encore plus marqué : 15,6 % de fumeurs quotidiens à 17 ans en 2022, contre 25 % en 2017 (1). Ces progrès sont le fruit de décennies de politiques de prévention efficaces, portées par le ministère de la Santé, les agences sanitaires telles que Santé publique France ou l'institut national du cancer, ainsi que par la société civile. Ces mesures, qui incluent l’interdiction de vente aux mineurs, l’interdiction de publicité, le paquet neutre, la restriction des espaces fumeurs, la dénormalisation du tabac, les campagnes de prévention et l’augmentation des prix, ont fait leurs preuves. Mais ces avancées déplaisent fortement aux cigarettiers, car elles menacent leur commerce florissant.

C’est précisément dans ce contexte que le rapport de PMI, financé par le cigarettier et confié au cabinet KPMG, intervient. Ce rapport n’est pas un travail scientifique. Il ne repose sur aucune méthodologie valide, les données utilisées ne s’appuient sur aucune enquête sérieuse, et il n’a jamais fait l’objet d’une évaluation indépendante. Il constitue une insulte intellectuelle à toute la production scientifique soutenue par la puissance publique sur le tabagisme et ses méfaits. Ce n’est qu’un outil de lobbying au service des intérêts politiques et économiques des fabricants de tabac et de leurs relais. Il vise à persuader ses lecteurs que la hausse des prix alimente un marché noir incontrôlable ou est une source majeure de criminalité dans notre pays. Ces allégations mensongères n’ont d’autre objectif que d’affaiblir les mesures fiscales qui font reculer le tabagisme.

Le raisonnement simpliste selon lequel toute hausse du prix du tabac induit un changement de comportement du consommateur est faux. Le tabac n’est pas un produit en vente libre ; son commerce est l’un des plus réglementés par l’État, les buralistes le savent bien. Reconnu par l’OMS comme le levier le plus efficace pour réduire le tabagisme, les augmentations du prix du tabac n’ont pas modifié les comportements d’achat sur les 10 dernières années : selon les données officielles publiées en 2024 (2), près de 80 % des fumeurs achètent toujours leur tabac chez un buraliste. Entre 15 % et 17 % des achats sont le fait d’achats transfrontaliers légaux ou en duty-free. Les ventes dans la rue ne comptent que pour 0,8 % des achats. Nous sommes bien loin des 49 % proclamés par l’industrie du tabac.

D’autre part, n’oublions pas que l’industrie du tabac a tout à gagner au maintien d’un marché parallèle : tant que ses produits sont écoulés, par quelque canal que ce soit, légal ou non, ce commerce reste profitable, les consommateurs addicts. Et pendant qu’elle dénonce un phénomène qu’elle contribue à alimenter, elle engrange des bénéfices toujours plus colossaux.

Chaque année, l’industrie du tabac et ses alliés, dont la Confédération des buralistes, dépensent plus d’un million d’euros en lobbying pour influencer les décideurs et répandre la désinformation. Cette histoire se répète depuis des décennies : autrefois, les géants du tabac niaient devant les tribunaux que leurs produits étaient mortels. Aujourd’hui, ils changent de visage et de stratégie, agitant la peur du chaos auprès des politiques et des médias, mais leur objectif reste le même : continuer à piéger et exploiter les consommateurs, surtout les jeunes, afin de s’assurer des consommateurs dépendants pour les 20 prochaines années.

Au regard de tous ces éléments, le rapport dont il est question ici ne peut en aucun cas être considéré comme une source fiable de décision publique : il s’agit d’un outil de propagande. Les décideurs publics et les médias doivent faire preuve de vigilance et refuser de relayer des données émanant d’une industrie dont les objectifs sont fondamentalement opposés au bien commun.

1 – Brissot A, Le Nézet O, Spilka S. Focus. L’usage de tabac chez les jeunes de 17 ans : résultats de l’enquête Escapad. Bull Épidémiol Hebd. 2023;(9-10):166-9. https://beh.santepublique france.fr/beh/2023/9-10/2023_9-10_3.html

2- Douchet M.-A., Le Nézet O., Philippon A., Andler R., Pasquereau A., Guignard R. (2024) L’approvisionnement en tabac des fumeurs en France, 2014-2022. Note réalisée par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) et Santé publique France. Paris, OFDT, 20 p

Ljosseran

président de l’ACT - Alliance contre le tabac.

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