Les chiffres s’effondrent, les virus remontent. L’immunité collective, pierre angulaire de la santé publique moderne, vacille dans le silence assourdissant des politiques. Et pendant ce temps, la rougeole, la méningite et la diphtérie attendent leur heure.
Immunité collective en chute libre : l’alerte mondiale de l’OMS

Le mot vaccin ne fait plus rêver. Depuis le 24 avril 2025, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et ses partenaires multiplient les alertes à l’occasion de la Semaine mondiale de la vaccination. Ce qui aurait dû être une célébration se transforme en constat d’échec. Les indicateurs s’alignent : flambées en hausse, financements en baisse, immunité collective en lambeaux. Le système craque, méthodiquement.
Immunité collective : mythe fondateur ou fiction effondrée ?
L’immunité collective, ce mécanisme qui protège les plus fragiles grâce à la vaccination massive, repose sur un principe simple : plus une population est immunisée, moins le virus circule. Mais encore faut-il que la majorité le soit.
En 2023, 14,5 millions d’enfants n’ont reçu aucun vaccin de routine, selon les données conjointes de l’OMS, de l’UNICEF et de Gavi. Ce chiffre, en constante augmentation depuis 2019 (12,9 millions), confirme une érosion systémique du socle immunitaire mondial. Plus d’un enfant sur deux concerné vit dans un pays en conflit ou en situation de fragilité extrême.
« Les épidémies de maladies évitables par la vaccination augmentent dans le monde entier, mettant des vies en danger et exposant les pays à des coûts accrus pour traiter les maladies et répondre aux épidémies », a déclaré le directeur général de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus dans un communiqué publié le 23 avril 2025.
Rougeole, méningite, fièvre jaune : le retour des oubliées
En 2023, la rougeole a enregistré 10,3 millions de cas, en augmentation de 20 % par rapport à 2022. En l’espace d’un an, 138 pays ont signalé des cas, dont 61 confrontés à des flambées majeures. Jamais depuis 2019 un tel niveau n’avait été atteint.
La méningite explose elle aussi en Afrique : au 1er trimestre 2025, plus de 5 500 cas suspects ont été recensés, avec près de 300 décès dans 22 pays. En 2024, ce chiffre culminait déjà à 26 000 cas.
Quant à la fièvre jaune, sa recrudescence est spectaculaire : 124 cas confirmés en Afrique cette année, et 131 cas dans quatre pays des Amériques. Ces maladies autrefois sous contrôle reviennent là où les campagnes vaccinales ont fléchi.
L’alerte financière : une crise politique avant d’être sanitaire
Cette remontée dramatique n’est pas une surprise. Elle est le fruit d’un retrait progressif des financements internationaux. Un audit de l’OMS mené dans 108 pays révèle que près de la moitié d’entre eux font face à des perturbations modérées à sévères dans leurs campagnes vaccinales. L’accès aux fournitures de base et la surveillance épidémiologique sont également entravés.
« La crise mondiale du financement limite sévèrement notre capacité à vacciner plus de 15 millions d’enfants vulnérables dans des pays fragiles et affectés par des conflits », a affirmé Catherine Russell, directrice exécutive de l’UNICEF. Les conséquences de ce désengagement sont claires : une baisse de la couverture vaccinale, un retour des foyers infectieux, et un cercle vicieux sanitaire qui menace de balayer 50 ans de progrès dans la réduction de la mortalité infantile.
Malgré tout, des bonnes nouvelles sur le front des vaccins
Tout n’est pas noir. L’introduction de vaccins innovants contre le paludisme, le papillomavirus humain (HPV) ou la nouvelle génération de vaccins contre la méningite A, C, W, Y et X offre des perspectives solides. En Afrique, la couverture du vaccin HPV est passée de 21 % en 2020 à 40 % en 2023. Un progrès notable dans une région où le cancer du col de l’utérus reste endémique.
Mais ces avancées ne suffiront pas sans une reprise du financement global, selon l’OMS. Gavi, en particulier, appelle à une mobilisation d’au moins 9 milliards de dollars pour sa stratégie 2026–2030, censée protéger 500 millions d’enfants et sauver 8 millions de vies supplémentaires.
« Les épidémies croissantes de maladies hautement infectieuses sont une préoccupation mondiale. La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons riposter », a déclaré Dr Sania Nishtar, directrice générale de Gavi. « Mais ces activités vitales seront en péril si Gavi n’est pas entièrement financée pour les cinq prochaines années ».