Licenciements, IA, un peu de regrets : cette entreprise revoit sa stratégie

En décembre 2023, Sebastian Siemiatkowski bombait le torse. À la tête de Klarna, il célébrait l’IA comme le futur du service client : « ChatGPT fait le travail de 700 salariés, et plus rapidement. » Moins d’un an plus tard, même interlocuteur, autre discours. « Nous avons sous-estimé ce que nous avions à perdre », reconnaît-il. Le géant scandinave a misé sur l’intelligence artificielle. Mais il redécouvre aujourd’hui l’intérêt de l’humain.

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
By Grégoire Hernandez Published on 13 mai 2025 15h30
ia-entreprise-klarna-licenciments-embauche
Licenciements, IA, un peu de regrets : cette entreprise revoit sa stratégie - © Economie Matin
24 %Klarna a connu une croissance de 24 % de son chiffre d'affaires en 2024.

Elle rêvait de vitesse et d'efficacité. Elle récolte aujourd’hui les limites d’un monde sans contact humain. Klarna, géant suédois du paiement différé, amorce un virage à 180°.

IA : Klarna, pionnière... et première victime de sa propre stratégie

En 2023, Klarna est l’une des premières entreprises européennes à intégrer massivement l’intelligence artificielle dans ses opérations. Fini les recrutements : l’objectif est clair, réduire les coûts et automatiser au maximum. En un an, près de 2 000 employés quittent l’entreprise. Résultat ? Un chatbot, dopé au GPT, prend en charge 65 % des demandes clients. Promesse tenue : réponse en moins de deux minutes.
Mais l’efficience a un prix. Très vite, la clientèle se plaint d’un service devenu « impersonnel », incapable de gérer les subtilités d’une demande complexe. Le contact humain disparaît, les erreurs se multiplient. Klarna pensait optimiser son rendement. Elle a altéré son image.

L’erreur stratégique n’est pas niée. « Le coût a malheureusement été un critère d’évaluation trop prédominant dans cette organisation, ce qui conduit inévitablement à une qualité moindre », explique Sebastian Siemiatkowski depuis le siège de Stockholm. L’entreprise ne renonce pas à l’IA, mais modifie sa ligne : chaque client pourra désormais choisir de parler à un agent humain.
Cette volte-face de Klarna révèle une leçon douloureuse. Dans des domaines où l’empathie, la nuance et la capacité d’adaptation sont centrales, l’intelligence artificielle montre ses limites. L’IA, aussi performante soit-elle, ne ressent rien. Elle n’a ni intuition, ni empathie, ni la capacité de percevoir un malaise dans la voix ou de réagir à un non-dit. L’humain et l’IA ne jouent pas dans la même catégorie : aujourd’hui encore, ils ne se substituent pas, ils se complètent.
Air Canada et DPD en ont déjà fait les frais. Klarna vient s’ajouter à la liste des entreprises confrontées aux effets secondaires de l’automatisation précipitée.

L’humain revient, mais sous un nouveau format

Contrainte de réagir, Klarna relance les embauches. Mais pas comme avant. Désormais, elle mise sur un modèle hybride, inspiré d’Uber. Objectif : permettre aux agents de se connecter à distance, quand ils le souhaitent, pour gérer les demandes clients. Ces agents ne seront plus des salariés classiques, mais des « contributeurs flexibles », comme par exemple des étudiants, des travailleurs isolés, ou des utilisateurs fidèles. Deux profils sont déjà testés dans le cadre d’un pilote.

Ce retour de l’humain n’est pas forcément un aveu de faiblesse, mais une reconnaissance que le lien client ne se résume pas à une suite d’algorithmes. Klarna a vu juste trop grand, trop vite. Et son PDG le concède désormais à demi-mot. « L’IA nous apporte la rapidité. Le talent nous donne de l’empathie. Ensemble, nous pouvons offrir un service rapide quand il le faut, et emphatique et personnel quand il le faut », affirme la porte-parole de l’entreprise.

Cropped Favicon Economi Matin.jpg

Étudiant en école de journalisme. Journaliste chez Économie Matin depuis septembre 2023.

No comment on «Licenciements, IA, un peu de regrets : cette entreprise revoit sa stratégie»

Leave a comment

* Required fields